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Focale sur le tiers-payant

L’opposition au tiers payant généralisé qui semble assez majoritaire chez nos médecins est-elle technique ou bien idéologique ? Il est parfois bien difficile de se faire une idée claire à travers les opinions des médecins relayées par les médias.

Est-elle technique, c’est-à-dire justifiée par la charge administrative supplémentaire qu’elle impose aux médecins. Ma fille est généraliste et je sais fort bien le poids indigne des tâches administratives qui pèsent sur les généralistes. Il n’est pas concevable de leur imposer un tiers-payant aussi impréparé qu’il ne l’est aujourd’hui.
La mise en place du tiers payant généralisé est freinée par un imbroglio administratif créé par la multitude des complémentaires, c’est là le nœud du problème.
À qui la faute ? À notre incapacité de mener à bout de véritables réformes structurelles. Déjà, en son temps Alain Peyrefitte, ministre du Général de Gaulle voyait dans les Français des « conservateurs révolutionnaires » frappés d’un mal particulier « l’immobilisme convulsionnaire ».
Le patchwork de nos modes de remboursement complémentaires témoigne de nos contradictions, de nos demi-mesures. La France présente la particularité d’avoir la couverture assurantielle complémentaire privée la plus étendue au monde (96% de la population). Cette particularité est un facteur d’inégalité sociale. Par ailleurs, les complémentaires annihilent l’effet modérateur du ticket du même nom puisqu’elles le remboursent systématiquement, alors que d’autre part, elles n’assurent pas un remboursement substantiel des frais liés à l’optique et aux soins dentaires.
Autre exemple, la réforme Douste-Blazy du 13 août 2004, annoncée à grand bruit, ne fut en réalité qu’un classique plan de financement des comptes de la Sécurité sociale. Elle a accouché entre autres de la mesure dérisoire de la franchise de 1 euro par consultation. Le grand ménage n’a jamais été fait pour clarifier et simplifier notre système complexe et souvent incohérent. Faute de véritables réformes, nous nous prenons les pieds dans le tapis de nos incohérences dès qu’une avancée incontournable comme celle du tiers-payant s’impose à notre système.

Est-elle idéologique ? Il y a sans doute, de la part de nos médecins, la hantise d’évoluer vers un statut de fonctionnaire comme le médecin GP (General practioner) anglais. Idée d’ailleurs fausse. Les médecins généralistes anglais jouissent d’un statut original de contractuels indépendants (independent contractor) vis-à-vis du NHS. Crainte aussi d’évoluer vers d’autres formes de rémunérations, non plus seulement liées à l’acte. Dans la plupart des pays européens les médecins sont rémunérés sous forme de salaire (Royaume-Unis Espagne) ou d’un forfait par patient ou capitation (Pays-Bas, Italie). Les généralistes des autres pays européens sont-ils plus malheureux que les nôtres, sont-ils moins bien rémunérés ? Non, de tous les pays européens c’est le généraliste français qui est le moins bien payé (97 milliers de US dollars), le généraliste anglais gagne la moitié en plus (147), le généraliste allemand près de deux fois plus (176). L’évolution vers le tiers-payant n’est pas une régression, elle est au contraire la condition pour se tourner vers l’avenir. Elle est la condition pour le déblocage de l’e-medecine qui à force de stagner est en passe d’être dépassée par des formes d’ubérisation de la médecine.
On demande beaucoup à notre généraliste. Il doit en effet prendre en charge une médecine curative de premier recours qui apporte une solution à plus de 70 % des motifs de consultations. De plus en plus on exige de lui une approche autant médicale que psychologique et sociale. Il doit pratiquer pour les cas les plus difficiles, une médecine d’orientation vers les spécialistes concernés, puis de synthèse et de suivi. Enfin, on attend de lui une médecine de dépistage et d’éducation pour la santé. On attend tout cela et on le maintient dans un dénuement et un isolement professionnelle incompatible avec le rôle qu’il est censé jouer dans le système de soins. Il devrait être mieux rémunéré, non plus seulement à l’acte mais aussi par d’autres formes de rétribution pour ces différentes tâches.

Notre généraliste devrait pouvoir compter sur un accompagnement humain (les généralistes anglais et allemands sont secondés par une infirmière), sur un environnement technique (les généralistes allemands disposent d’un certain nombre d’outils techniques qui les dispensent d’adresser trop rapidement leur patient au spécialiste), et bien sûr sur un équipement informatique. Il devrait disposer de moyens informatiques capables de restituer les caractéristiques de leur patientèle, c’est à cette condition qu’ils pourront orienter leurs pratiques vers la prévention. Les généralistes devraient aussi bénéficier d’un accès aux données issues des territoires de santé dans lesquels ils travaillent : données des réseaux de santé, des observatoires régionaux de santé, des baromètres santé. Dans le système actuel, on les récompense comme des enfants avec les ROPS quand il se sont équipés eux-mêmes.
L’enquête de l’Ordre dont j’ai parlé dans mon dernier billet témoigne qu’une grande partie de la jeune génération des médecins est consciente de l’impérieuse nécessité d’une mutation radicale. Malheureusement, l’Ordre dans la synthèse qu’il fait de cette enquête a brisé l’élan.
Dans ses objectifs, il met
– En premier, l’indépendance des médecins, concept poussiéreux voisin de celui d’autonomie qui conduit à l’isolationnisme professionnel.
– En cinquième position, le refus de marchandisation de la médecine, ce qui ne veut à peu près rien dire. Foucault nous rappelle que : « De nos jours la médecine rencontre l’économie […] parce qu’elle peut produire directement une richesse dans la mesure où la santé représente un désir pour les uns et un luxe pour les autres. La santé devenue un objet de consommation, qui peut être produit par quelques laboratoires pharmacologiques, par les médecins, etc., et consommée par d’autres –les malades possibles ou réels–, a acquis une importance économique et s’est introduite dans le marché.»
– En septième position, l’opposition au tiers payant.

Opposition au tiers payant au nom d’une idéologie périmée dont l’Ordre reste le grand gardien. Périmée chez tous nos voisins : nous sommes le dernier pays en Europe à demander l’avance de frais. Ainsi l’Ordre instille depuis trop longtemps un discours qui un effet quasi curarisant sur la vitalité de notre système aujourd’hui proche de la paralysie.
Ne serait-ce pas plutôt l’Ordre qu’il convient d’enterrer, d’enterrer dans la bonne humeur en chantant avec Brel : « j’veux qu’on rit, j’veux qu’on chante, j’veux qu’on s’amuse comme des fous quand c’est qu’on le mettra dans le trou »

Laurent Vercoustre

14 Commentaires

  1. Manifestement, mon cher confrère, même si votre fille est généraliste, vous n’avez qu’une faible idée de ce que représente le tiers payant dans la vraie vie. Ayant été généraliste en libéral puis praticien à l’hôpital, donc salarié, j’ai une vision, disons, « binoculaire’. Très confortable le salariat : votre salaire tombe à la fin du mois. Le tiers payant est un enfer : il faut se battre avec une tonne d’obstacles avant d’être, pas toujours, réglé. Une vraie humiliation qui entraîne les contraintes d’un exercice libéral (clientèle, disponibilité, AGA, procès etc…) sans ses avantages, ainsi que les contraintes d’une profession sous tutelle (car le tiers payant en est une : c’est celui qui a l’argent qui commande, donc la SS) sans les avantages (congés, maladie, RTT etc..). Ca s’appelle un contrat gagnant (la SS) perdant (le praticien).
    Le tiers payant est un progrès pour nos technocrates de tous poils qui ont trouvé là le moyen de mater puis de tuer les libéraux. Certes, ce n’est pas encore fait, cette idée chemine depuis Mitterrand. Donc il faudrait être clair : soit on est un médecin libéral et on lui fiche la paix (oui je sais, c’est de l’histoire ancienne nos « politiques » ayant horreur depuis longtemps de la liberté…des autres), soit on est sous tutelle et à ce moment aucune raison de ne pas carrément être salarié pour bénéficier des congés payés, congés maladie, accident du travail etc… Oui mais salarier des anciens libéraux à un niveau correct, vous n’ y pensez pas !!! Ils sont bien trop chers (avec une consultation à 25 euros ?? un comble ).Donc, d’abord les éliminer, c’est en route, ensuite mettre en place des centres de santé ou il seront, dirait on, assez mal payés. Oui le TPG est une démarche idéologique, purement idéologique et qui semble nous dire : les médecins (ces nantis) n’ont que des devoirs, alors que les patients ont des droits. Vous ne trouvez pas bizarre que la presque totalité des libéraux soient contre le tiers payant? A moins d’être masochistes pourquoi seraient ils pour?? Le seul « progrès » que l’on peut observer est l’invasion de plus en plus massive de la dictature administrative qui étouffe la société civile qui est celle qui fait vraiment vivre le pays. Mauvais pour tout le monde : pour les médecins ici, et donc pour les patients. Ca se passe en libéral, du moins ce qu’il en reste, et c’est bien engagé à l’hôpital. Ne sentez vous pas ce gros poids sur vos épaules? Si, je sais très bien quelles contraintes vous supportez depuis quelques années. Si cela continue vous devrez bientôt devoir remplir un formulaire avant d’aller faire pipi. Et je passe sur le PMSI, la T2A, la certification etc… Temps perdu pour tout le monde.

    • Encore un discours qui exprime la vieille opposition entre l’État et la médecine. Toujours et encore le même formatage des esprits depuis la Charte de la médecine libérale en 1929. L’état d’esprit qui animait le combat contre l’instauration par Pierre Larocque de la sécurité sociale est le même que celui qui anime les médecins libéraux contre Madame Buzyn et l’installation du TP.Quand en sortirons nous?
      Vous dites « Oui mais salarier des anciens libéraux à un niveau correct ». Et c’est peut-être là qu’est la ligne de partage entre les pro TP et les antiTP. Entre les jeunes MG qui veulent donner à leur exercice le sens d’une action de santé publique en voyant une vingtaine de patients par jour et les anciens qui font de l’abattage et tournent à 4O patients par jour. C’est cette liberté là que réclament les jeunes (ce qui impose d’autres modes de rémunération).Et c’est le blocage des anciens incarné par l’Ordre qui les met en grande souffrance.
      Il faudra aussi un jour qu’on clarifie le mot libérale. Le libéralisme de la médecine libérale n’est pas le libéralisme.Le libéralisme suppose un jeu concurrentiel entre les différents acteurs d’un marché.Aujourd’hui la totalité des médecins libéraux se présentent comme des donneurs d’ordre de paiement, sans qu’aucun mécanisme de régulation concurrentielle ne viennent réguler un paiement qu’ils obtiendront de toute façon de qui, eh bien de l’Etat. Pour qu’il y ait un véritable jeu libéral il faudrait que le payeur soit lui-même inclus dans le marché et donc susceptible d’être mis en faillite. Ce qui n’est pas le cas de l’Etat. Ne confondons pas libéralisme et corporatisme.

  2. J’ai effectué une carrière à moitié dans le public et l’autre moitié comme praticien spécialiste secteur 1. Les mêmes archaïsmes, les mêmes veuleries, existent dans les deux systèmes ce qui prouve que le mal est beaucoup plus grave…Je prédis une dégradation de l’état de santé de nos concitoyens dans les cinq ans, pour une durée d’au moins dix ans. La Sécurité Sociale est un concept, telle qu’elle est, aujourd’hui, dépassé et obsolète. Oui, il n’y a jamais eu de réformes dignes de ce nom, que des pseudo réformes. Des pertes colossales d’argent sont générées par l’organisation française du système de soins qui est, pour le moins, redondante, peu efficiente, et inégale sur le territoire. L’installation des médecins est le petit bout de la lorgnette…Commençons par simplifier l’organisation de la collecte des ressources financières du systèmes de soins : pas besoin de URSSAF+MSA+RSI+CARMF+….pour collecter les charges sociales maladies: 1 seul organisme d’Etat suffit sous surveillance du parlement (frais de gestion à 4%). Pas besoin de CPAM, CNAM, CRAM, MSA, RSI, etc. , pour rembourser des soins pris en charge par le système de soins public. Un seul organisme suffit, proche de celui qui collecte…et sous contrôle comme lui. L’économie pourrait être de l’ordre de 35 à 40 milliard d’euros par an…De quoi payer correctement les médecins, de ne rembourser que les actes utiles! Quand aux médecins, leur paiement devrait être lié à leur fonction : notre art est celui du diagnostic et non de « faire des actes ». Soyons payés au diagnostic (c’est possible avec la CIM10 et l’intelligence artificielle) et nous verrons les comportements changer…ET alors les médecins pourrons être taxés en fonction de leur utilité…à la fois professionnelle (chirurgie plastique, dermatologue) et à la fois géographique (Var versus Creuse). Why not ?

    • Vous avez raison, notre système est éclaté en une myriade d’instances et d’organismes. Notre système de santé présente une architecture complexe et paradoxale, elle est cloisonnée, éclatée et verticale.
      Elle est cloisonnée : le secteur hospitalier est sous la tutelle de l’État et la médecine de ville est régulée par la sécurité sociale. Pour Didier Tabuteau, la France souffre d’un système dyarchique, « L’absence d’unité de direction est, depuis trois décennies, le mal endémique du système. Le système de santé est un bolide à double commande, piloté par deux conducteur qui n’ont pas les mêmes objectifs ».
      Elle est éclatée au niveau de chacune de ces tutelles. Du côté de l’État, le ministère de la santé est en effet lui-même divisé en quatre directions (Direction générale de la santé, Direction générale de l’offre de soins, Direction générale de l’action sociale et Direction régionale des études économiques et des statistiques). Il dispose en outre d’un corps d’inspection générale (IGAS),  il faut ajouter à l’IGAS quelques dix-huit organismes administratifs, dont les plus connus sont la Haute Autorité de santé (HAS), l’Agence nationale de sécurité du médicament, l’Agence de biomédecine, l’Établissement français du sang etc..
      Du côté de la sécurité sociale, l’assurance maladie est également divisée en plusieurs régimes. Aux trois régimes principaux, le régime général, le régime agricole, les régimes des travailleurs indépendants, s’ajoutent 11 régimes spéciaux.
      Elle est verticale, le pouvoir du ministère de la Santé s’exerce en effet sur l’ensemble du territoire à travers une administration déconcentrée. Ce secteur de notre système reste dominé par l’état d’esprit du début de la Ve République.
      Bref il faut tout revoir, y compris le financement,  » vous dites « Un seul organisme suffit, proche de celui qui collecte… » ce que vous proposez c’est simplement un sytème béveridgien, et un système béveridgien coûte comme vous le dites infiniment moins cher en frais de gestion.

  3. J’ai beaucoup apprécié un de vos derniers billets : rendre le pouvoir aux médecins hospitaliers.

    Mais l’Ordre ne me semble qu’un bouc émissaire « facile » en ville : il participe au système, il ne le crée pas.
    Il est un complice (probablement réformable), pas Le coupable.

    Notre système français a pu être classé le premier au monde grâce à son accessibilité (et déjà à l’époque, pas pour ses performances…),
    et notre système de ville est pour moi avant tout contraint par cette accessibilité poussée au maximum depuis toujours, bien loin de celle de nos voisins.
    Le Tiers Payant Généralisé ne me paraît pas à lui seul une panacée pour la médecine de ville (même s’il a été très bénéfique à la pharmacie de ville) : il est avant tout à mes yeux un des vecteurs de la volonté de mainmise des énarques sur la médecine libérale de ville, avec tout ce que cela comporte de gâchis supplémentaire (je pense aux récents articles de notre confrère Maudrux).

    NDLR : mon billet est court, donc peu nuancé, et avec des termes parfois maladroits ou brutaux, j’en conviens.
    Mais il y a un pouvoir à donner aussi aux médecins de ville français.

    • Merci pour cette réponse au contraire pleine de nuance.Le drame de notre système repose sur ce face à face déjà très ancien (voir mon billet précédent) entre un état dirigiste, centralisé, administratif ( c’est vrai au main d’énarques déconnectés des réalités médicales) et d’autre part un corps médical tétanisé contre ce pouvoir administratif et revendiquant continuellement son autonomie, refusant toute forme d’ingérence dans ses pratiques. Il faut réconcilier les deux, sinon n’on avancera pas. Il faut décentraliser, tous les systèmes beveridgiens sont décentralisés, il faut mettre au commande de notre système, une nouvelle génération de gestionnaire de santé qui réalise la synthèse du médecin et du clinicien. Le GP anglais réalise cette synthèse puisqu’il achète les soins hospitaliers pour leurs patients. Nous français, nous considérons souvent la médecine anglaise avec une certain condescendance. Mais il faut bien reconnaître que la GB joue le rôle d’un laboratoire d’idées en santé publique. Tous les outils d’évaluation , les recommandations ( NICE) viennent des Anglais.Notre HAS s’en est inspirée mais elle a beaucoup moins d’impact sur les pratiques.

  4. Nous dire que tous les autres font le TP, que c’est l’avenir, qu’on vivra mieux, il n’y a qu’à regarder les autres…et nous traiter de sclérosés anti-réforme ne sont pas des arguments rationnels.
    La mentalité française est ce qu’elle est, de même que la pauvreté du pays. Je n’ai pas sacrifié ma jeunesse et en grande partie ma vie privée pour gagner moins de 3500 euros par mois, ou bien pour être obligé de travailler 60 H par semaine jusqu’à la retraite. Or si je renonce au secteur 2, je renonce à consacrer 20 mn par patient, je fais de l’abattage, et cela, je m’y refuse. Actuellement, il est inconcevable que toutes les mutuelles me paient rubis sur l’ongle une consultation de 45 €. Mais admettons que ça soit le cas, et sans limitation, sans parcours de soin dans lequel les mutuelles diraient aux patients de changer de spécialiste pour un autre moins cher (ce qui m’est déjà arrivé, malgré un secteur 2 très raisonnable). La gratuité nous fera être encore plus déconsidéré, alors même que la considération du malade pour le médecin s’érode un peu plus chaque année, car nous sommes dans un pays où la « haine du riche » ou prétendu tel est sanctifiée par l’idéologie gauchisto-égalitariste dominante. En outre, là où certains disent que l’avance des frais limite l’accès aux soins, ces mêmes nient que la gratuité ne sera pas source de surconsommation. Il n’y a pas de logique. Puisque vous citez l’allemagne et l’Angleterre, je vous citerai la russie. Gratuité totale, examen en 5 mn, examens complémentaires inutiles et mal faits, surconsommation de soins, nuisance pour le malade. Voilà. Mais je ne doute pas que vous restiez dans vos convictions.

    • Merci pour votre réaction. Vous dites regarder chez les autres ce n’est pas rationnel. C’est vrai si l’on se contente de regarder sans examiner les résultats des différents pays. Or si l’on regarde les résultats, nous ne sommes pas bons. Ainsi la mortalité prématurée (nombre d’années perdues avant l’âge de 70 ans pour 100 000 habitants) qui est l’un des indicateurs les plus pertinents pour évaluer l’efficacité d’un système de santé, sur 9 pays nous sommes en avant dernière position juste avant les Etats-Unis.

      • Je ne dis pas qu’il est irrationnel de regarder chez les autres. Je dis que vos raccourcis (tiers payant généralisé = meilleur accès aux soins = diminution de la mortalité) est une hypothèse qui ne regarde que vous. Je cite d’ailleurs l’exemple de la Russie qui est un fameux contre exemple (TPG et malgré ce espérance de vie faible). Ne regardez que l’opposition de la population française aux vaccins. Cette opposition ne vient pas de l’absence d’un tiers payant, elle tient à l’esprit frondeur et à l’irrespect du médecin largement diffusé en France et sur les réseaux sociaux. Le TPG ne fera qu’aggraver cet irrespect. Néanmoins, et contrairement à vous, je n’en tirerai aucune conclusion définitive.

        • Ce qui me frappe dans toutes les réactions que je reçois, et j’en remercie les auteurs, c’est une certaine perception du patient. Il est vue comme incapable de réguler sa demande de soins ( va-t-on chez son médecin par plaisir), il est vu comme fondamentalement irrespectueux à l’égard du médecin, bref il est toujours considéré comme dans un état de minorité ( voire mon 2e billet sur les violences obstétricales). Et pour le médecin ,la considération qu’un patient a à son égard repose sur le fait que le patient le paye.C’est abaisser l’image du médecin à une simple marchandise. C’est au contraire mettre le patient dans la situation de dire , je paye donc j’ai le droit de solliciter mon médecin autant que je veux si j’ai de l’argent…
          Pa ailleurs je ne vois pas pourquoi le tiers payant serait un frein à la vaccination.En Angleterre, une fois encore,La vaccination complète (administration de 3 doses espacées) contre le cancer du col couvrait 80 % des jeunes filles de 12 ans en 2008, tandis qu’en France en 2013, 18% seulement des jeunes filles de15 ans étaient vaccinées.

          • « . . . une certaine perception du patient. Il est vue comme incapable de réguler sa demande de soins . . .bref il est toujours considéré comme dans un état de minorité »
            Ce ne sont certainement pas les vrais libéraux dans l’esprit qui relèguent le patient-usager au rang de mineur socio-économique !
            C’est plutôt clairement le fond de la pensée « socialiste » ou de Gôôôche, comme on préfèrera dire, et même plus profondément la conception étatiste de la « politique » puisque la souveraineté d’un « Etat » ne se conçoit qu’exclusivement de toute souveraineté personnelle, de toute responsabilité individuelle .
            Et le seul remède à ce cancer de la pensée contemporaine tant sociale que politique, c’est de répartir la ressource commune entre les individus sur des comptes personnels, au risque de découvrir une amélioration impensable des performances économiques d’un tel système « responsable » ;
            On nous bassine avec l’ « équitable » depuis plus de 10 ans, mais avec la sourde intention d’en cantonner les effets sur des budgets collectivisés peinturlurés de bonne conscience « sociale-solidaire » . . . en sachant très bien à l’avance que ce sont les plus puissants, les plus rusés et les moins honnêtes, bref, la corporation des décideurs qui profiterons de la redistribution de la manne collective .
            Risquons-nous donc dans des expérimentations volontaires de financement individuel responsable, de comptes-prévoyance individuels, « capitalisés » puisqu’il n’y a de « capital » que par tête ;
            Toute résistance à un tel type d’essai clinique-politique-sanitaire sera a priori suspecte de redouter l’évidence : un résultat favorable rendra l’actuel « monopole » de « la sécurité sociale » responsable du déclin économique du pays, et ses tenants coupables d’avoir empêché toute expérimentation alternative depuis 70 ans  dans le dernier pays soviétique du monde : la sous-France !

          • Je suis tout à fait d’accord avec vous. Votre message me permet d’avancer dans ma réflexion et de m’expliquer. Autour du tiers-payant, se focalisent deux problématiques.

            Celle de l’évolution indispensable de notre système de soins vers d’autres modes de rémunération et d’un rôle plus efficace des mutuelles.

            Celle de la responsabilisation du patient.

            Foucault posait le problème de la santé en ces termes « la demande en santé est une demande infinie face à un sytème fini » et Foucault déplorait qu’aucune réflexion sérieuse n’ait été engagée sur ce constat. Demande infinie parce que la santé n’est plus normée.
            Par ailleurs nos maladies sont aujourd’hui essentiellement comportementales et ,comme disait toujours Foucault, nous sommes amené à devenir in fine artisan de notre santé, « l’homme n’est plus le terrain de la maladie, il en devient l’auteur [1]». Foucault disait ailleurs que la « santé était entrée dans l’économie ». Ces deux évidences font que la santé ne peut être réfléchie autrement que dans un système libéral c’est dire d’un système qui engage la responsabilité de chacun, ce que vous dites très justement. Nous sommes quoiqu’on en pense dans une logique libérale ,cette logique libérale ne distingue pas l’être-malade et l’être-en-santé, elle ne reconnaît qu’un « continuum de la santé », une gradation allant du sujet atteint par les pathologies les plus extrêmes au sujet majoré dans ses aptitudes à valoriser son capital humain dans le travail.
            Tout ça pour dire qu’une responsabilisation du patient dans tout système assurentiel ou de prévoyance est l’avenir et c’est bien là-dessus qu’il faut réfléchir.Et que l’avance de frais du tiers-payant est bien dérisoire par rapport à ce qui est à penser et à entreprendre.

  5. Un billet et une opinion qui sent fort l’exercice hospitalier et salarié…. A moins de décréter tous les praticiens désormais salariés, de la Sécu, de la fonction hospitalière, territoriale, ou municipale, avec TOUS les avantages liés au salariat, imposer le tiers-payant, un peu trop fréquemment déresponsabilisant pour les acteurs à mon goût, aux médecins « libéraux », tient de la quadrature du cercle.
    Je suis « honoré », tant sur le plan financier qu' »égotique » par les patients qui m’ont fait confiance et qui me solliciteront de nouveau s’ils en éprouvent le besoin. Je ne sais comment je ressentirais mon exercice si tel le GP moyen je savais que mes patients-usagers n’ont de toute façon pas le choix de leur praticien. Pour avoir eu de nombreux échanges avec des confères britanniques, sous la férule du NHS, j’ai trouvé une réelle différence de « philosophie » du soin.
    Quant au pourcentage de postes vacants de PH hors structures prestigieuses ou en grande métropole, et la grande difficulté pour les « centres de santé » de recruter de jeunes médecins pour remplir leur projet immobilier , je ne suis pas franchement convaincu par « l’attrait » de ce type d’exercice à la mode, en tous cas dans les instances et ministères.
    PS. Je m’honore d’avoir refusé les ROSP depuis 2011 !

    • Merci pour votre réaction, vous dites « le tiers-payant, un peu trop fréquemment déresponsabilisant » Pourquoi considérez-vous l’usager comme irresponsable ? L’opposition au tiers payant s’inscrit aussi dans le vieux paternalisme médical si profondément inscrit dans notre tradition médicale. Contrairement à l’idée reçue il n’existe, en Angleterre, aucune restriction réglementaire au changement de médecin dans une zone géographique donnée, le patient ayant seulement besoin du consentement du nouveau médecin.J’ajoute que vous faites mauvais procès en voyant dans mes propos la réaction d’un hospitalier, lisez mes billets sur l’hôpital, ma critique de l »administration hospitalière et du statut du PH est encore plus impitoyable.

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