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Hydroxychloroquine, fin de partie ?

Pour de nombreux chercheurs la messe est dite : l’hydroxychloroquine (HCQ)  n’a aucune efficacité sur le SARS-CoV-2.

Pourtant, l’IHU de Marseille et son grand prêtre Didier Raoult résistent toujours comme le village gaulois d’Astérix. Dans sa dernière apparition sur You Tube, le 18 août, Didier Raoult réaffirme l’efficacité de son traitement avec une nouvelle preuve à l’appui. Il s’agit d’une étude réalisée dans les EHPAD portant sur 226 cas, la moitié des patients ont été traités par le protocole de l’IHU (Hydroxychloroquine + azithromycine). Dans le groupe traité la mortalité est de 14,4 %, elle est le double (27,8%) dans le groupe non traité. Ce taux de mortalité est identique à celui observé au mois de juin dernier dans les EHPAD sur l’ensemble du territoire (28%). Didier Raoult proclame que, si son traitement avait été prescrit, 5000 décès auraient pu être évité.

Il faut reconnaitre qu’un certain nombre d’études observationnelles vont dans le sens d’une efficacité du protocole Raoult. C’est dernièrement le cas d’une étude italienne portant sur 3451 patients. Non publiée à ce jour mais examinée par l’European Journal of Internal medicine, cette étude montre une diminution de 30% de la mortalité sous traitement.

Deux études américaines rétrospectives concluent favorablement à l’efficacité de l’HCQ:

– L’étude rétrospective des Hôpitaux de New York.Cette étude porte sur 6493 patients (âge médian 59 ans) confirmés pour la Covid-19.  Elle décrit les caractéristiques cliniques de COVID-19 en ambulatoire et en milieu hospitalier et l’identification des facteurs de risque associés à la mortalité chez les patients hospitalisés. L’estimation de Kaplan-Meier a montré une mortalité réduite de moitié chez les patients hospitalisés qui ont reçu de l’HCQ.

– L’étude rétrospective de l’Hôpital Henri Ford de Détroit publiée dans l’International journal of Infection Disease. Cette étude porte sur 2 541 patients (âge médian 64 ans) d’un même hôpital tous testés positifs pour le virus SARS-Cov-2. Il s’agit d’une étude de cohorte rétrospective comparative évaluant les résultats cliniques de tous les patients consécutifs hospitalisés au Henry Ford Health System. L’HCQ seule a permis de réduire le rapport de risque de 66% et l’HCQ + azithromycine de 71% par rapport à aucun des deux traitements (p <0,001).

– Enfin il y a une étude chinoise publiée dans le Lancet le 3 juillet dernier qui a montré que les patients traités pour leurs rhumatismes par l’hydroxychloroquine avaient moins de risques d’attraper le Covid que celles qui prenaient d’autres médicaments pour ce genre de maladie. Une autre étude réalisée au Portugal, sur des patients atteints de rhumatisme à qui les médecins prescrivaient de l’hydroxychloroquine, est arrivée à la même conclusion.

Rappelons aussi que les pays qui ont largement utilisé l’HCQ (Grèce, Portugal, Maroc, etc.) à bon escient, c’est à-dire en phase précoce, ont des taux d’infection et de décès parmi les plus bas du monde !

Voilà donc l’essentiel des arguments des partisans du protocole Raoult. Passons maintenant à l’argumentaire des anti-Raoult :

Il y a d’abord l’essai Recovery qui a étudié l’efficacité de l’HCQ sur deux critères bien spécifiques. Ce sont ceux qui nous intéressent en priorité, à savoir la mortalité et la sortie de l’hôpital à 28 jours. Résultats : aucune différence entre les traitements standard (25 % de mortalité / 62,8 % de sortie) et le traitement par HCQ (26,8 % de mortalité / 60,3 % de sortie). Étant donné les fausses informations qui ont circulé à propos de Recovery, rappelons que les médecins n’ont pas donné une dose toxique d’HCQ et que les patients de l’étude étaient dans un état modéré à sévère et qu’ils ont reçu le traitement entre 5 et 14 jours après le début des symptômes.

Il y a ensuite 2 essais américains réalisés selon le gold standard de la recherche clinique : randomisés, avec un groupe placebo, et en double aveugle.

Le premier publié dans Annals of Internal Medicine, a pour objectif d’étudier les différences entre le groupe placebo et le groupe HCQ sur les effets secondaires, la persistance des symptômes, l’hospitalisation et le décès. Tous les patients étaient non hospitalisés Résultats : hormis les effets secondaires (maux d’estomac, nausées, douleurs abdominales) qui augmentent de façon significative avec la prise d’HCQ (43 % contre 22 %), aucune différence notable n’est décelable entre le groupe placebo et l’HCQ sur les autres paramètres.

Le second publié dans le New England Journal of Medicine, cherche à tester l’HCQ comme prophylaxie post-exposition chez des soignants. Mené aux États-Unis et au Canada, cet essai qui a été conduit, encore une fois, en respectant les standards de la recherche clinique de qualité, ne permet pas de conclure en faveur de l’HCQ. L’HCQ n’a pas réduit le risque d’infection (14,3 % d’infections dans le groupe placebo contre 11,8 % dans le groupe HCQ). La diminution des infections dans le groupe HCQ  n’est pas significative.

Le 22 juillet dernier, une publications parus dans Nature, l’une des plus prestigieuses revues scientifiques au monde, vient asséner un coup fatal à l’hypothèse de l’HCQ.[1] les chercheurs ont évalué l’activité antivirale de l’HCQ in vitro ainsi que chez des macaques infectés par le SARS-CoV-2. Sans surprise l’HCQ a confirmé son activité antivirale in vitro sur des cellules rénales. Mais les chercheurs français ont montré que ni la chloroquine ni l’HCQ n’inhibent la réplication du SARS-CoV-2 au sein des cellules pulmonaires humaines. Celles-ci disposent en effet d’une protéase cellulaire du nom de TMPRSS2 qui facilite la réplication du virus.

En revanche, aucune stratégie médicamenteuse impliquant l’HCQ, seule ou en association, ne s’est révélée efficace chez le macaque – et ce en dépit du recours à plusieurs scénarios (prophylaxie précoce ou plus tardive, seule ou en association avec l’azithromycine. L’HCQ n’induit pas de protection contre l’infection, et ne réduit pas la virémie quand elle était administrée rapidement après l’infection.

Le niveau de preuves des études qui concluent à l’inefficacité du protocole Raoult est supérieur à celui des études qui lui sont favorables. Mais il ne faut pas s’attendre à ce que les pro-Raoult rendent les armes…La polémique sur l’HCQ s’est politisée, elle est devenue une affaire d’opinion et non plus de science. Les facéties de Trump et de Bolsonaro ont contribué à cette politisation !

Je m’apprêtais à poster ce billet, quand je découvre sur le net deux études importantes qui viennent d’être publiées.

L’une est belge et vient au secours de l’HCQ. Certes Il s’agit encore d’une étude rétrospective publiée dans « International Journal of Antimicrobial agents » mais l’effectif est impressionnant, 8075 patients pris en charge dans 109 hôpitaux. 4 542 ont reçu de l’HCQ en monothérapie et 3 533 ont reçu un traitement standard. Résultat Une mortalité de 17,7 % avec l’HCQ contre 27,1 %.

L’autre est suisse. C’ est une métaanalyse, parue ce jeudi dans Clinical Microbiology and Infection, qui montre, en analysant 29 études, que l’HCQ n’a pas d’effet sur les patients Covid-19. Pire encore, ces travaux dévoilent que le cocktail HCQ + azithromycine augmente le risque de mourir.

Avec cette métaanalyse, la partie est-elle définitivement perdue pour l’HCQ ?


[1] Cette étude a réuni des scientifiques de tous bords : CEA, l’Inserm, de Institut Pasteur,  CNRS,  l’Université de Paris-Saclay,  l’AP-HM,  l’Université Claude Bernard Lyon 1 et Aix-Marseille université.

Laurent Vercoustre

22 Commentaires

  1. Conclusions dans 10 ans, comme pour le sang contaminé. En attendant la chasse à Raoult ne fait pas briller l’honneur de mes confrères. Et je me sens très offensée par leur soif de sang

  2. Les revues prédatrices ont publié des études de qualité médiocre en faveur comme en défaveur de l’hydroxychloroquine . L’INSERM publie une méta-analyse , en mélangeant 3 essais contrôlés randomisés avec des études rétrospectives exposés non exposés, ce qui revient à mélanger les torchons et les serviettes , quant à la métaanalyse de l’IHU elle sélectionne ce qui l’arrange et ne compte aucun essais contrôlé ; elle ne vaut rien . Il faut expliquer aux personnes non professionnelles intéressées par le sujet, qu’il y a 2 sortes d’études : les études rétrospectives exposés non exposés qui ont un faible niveau de preuve, car elles ont TOUTES, qu’elles soient en faveur ou en défaveur de l’hydroxychloroquine des facteurs de confusion et étudient des populations différentes , et les essais contrôlés randomisés qui comparent un bras traité et un bras non-traité après tirage au sort : il s’agit de 2 populations identiques , ce qui évite les facteurs de confusion . Actuellement, il y a 4 essais de ce type publiés , qui ne retrouvent aucun bénéfice avec l’HCQ ou l’association avec l’Azithromycine . Le niveau de preuve des ECR est nettement supérieur aux études précédentes qu’elles relèguent à la corbeille . 2 autres essais contrôlés randomisés doivent être prochainement publiés .

  3. En dehors du problème de l’hydroxychloroquine, dont le promoteur, Raoult, n’a pu apporter de preuve de son efficacité ( Double aveugle et randomisation) Il existe un vrai problème Raoult, que je connais depuis plus de 30 ans. Ses 3000 articles signés de son nom, qu’il n’a pu écrire, et sans doute lire tous, le fait qu’il a été interdit de publication dans plusieurs revues de haut niveau pour avoir truqué des données, son dé-référencement par l’ INSERM et le CNRS, pour, d’une part, insuffisance de travaux de qualité dans son institut, et d’autre part une sordide affaire de harcèlement, qu’il a couverte, et dont l’auteur a été exclu définitivement de la fonction publique….
    .Il a 68 ans, il devrait être mis à la retraite d’office !

      • Médisances médisances c’est moins mal ça ne grandit pas non plus mais ça éclaire ; +-3000 articles en 30 ans cela fait un tous les 3/4 jours c’est digne de Balzac ou d’Alexandre Dumas !

    • Alain PRIVAT est un ex kroumir de l’ INSERM = Comité Pseudo Scientifique
      Cette histoire de nombre d’article est d’une parfaite mauvaise foi : le Pr RAOULT n’est pas tout seul , et n’a jamais prétendu avoir fait les études et les papiers à 100% lui-même. Il est à la tête d’un Institut très nombreux (ce qui rend vert de jalousie les pachydermes susnommés) et il est normal qu’il co-signe ce qui en sort , à l’image d’un grand cabinet d’architecture : on dit par exemple c’est une oeuvre de Jean NOUVEL , alors qu’il a des dizaines de collaborateurs qui ont fait le job.

  4. Beaucoup de médecins dans le monde ont utilisé l’HCQ dans de bonnes conditions et ont constaté son efficacité ,sont ils tous des menteurs ? la lecture attentive de beaucoup de publications prétendant à son inefficacité montre qu’elle a été donnée trop tard . L’étude pilotée par l’OMS écrit que ses résultats ne s’appliquent pas aux patients traités en dehors de l’ hôpital et pourtant les autorités Françaises suppriment la possibilité aux médecins de la prescrire et la réserve aux hôpitaux pour les cas graves (sic) ! et la presse écrit : fin de partie pour l’HCQ ! Cherchez l’erreur ! Il faut dissocier le personnage du Pr. Raoult qui peut être critiquable des résultats qu’il obtient et qu’il n’est pas le seul au monde à obtenir !

    • Le dommage principal est que le Pr Raoult n’ai pas fait une étude correcte quand il en avait la possibilité (se rappeler ce qui s’est passé avec le chikun gunya il y a une quinzaine d’années a cette époque il s’était passée quasiment la même chose sur l’efficacité HCQ avant d’en reconnaître l’inefficacité le Pr Raoult était aussi partie prenante dans l’histoire :la chic c’est fini a été dans la presse locale avant un rétropédalage)
      Après avoir déclaré soigné de façon efficace urbi et orbi il était impossible de faire une sélection

  5. Merci pour ce travail objectif . Entre des études rétrospectives exposés non exposés et des essais contrôlés randomisés, il y a une hiérarchie entre les niveaux de preuve en faveur des seconds : la randomisation entraine l’absence de facteurs confondants, ce qui est capital . Par ailleurs pour mémoire ,l’étude épi-phare auprès de 50 000 personnes sous HCQ pour maladie chronique n’a pas montré de bénéfice clinique vis à vis de la Covid 19 contrairement à l’étude belge
    https://www.epi-phare.fr/rapports-detudes-et-publications/covid-19-antipaludeens/
    Cordialement

  6. Que les médecins qui ont prescrit le traitement du Pr Raoult sortent de leur silence frileux et donnent leurs chiffres .Autour de moi, ils sont nombreux à l’avoir administré et les hôpitaux n’ont pas hésité non plus .Ceux de mes amis qui ont pris ce traitement sont bien entendu vivants sinon, et c’est une lapalissade, il n’y aurait pas de témoignages. ( Moselle-Est) Un ami médecin qui n’y a pas crû et qui a tout de même essayé de se le procurer quand il était trop tard est mort d’un choc immunitaire. Des confrères lui ont dit « tu comptes jusqu’à 50 et si tu n’es pas essoufflé, c’est bon » Il est dans une urne . J’ai été atteinte et ayant estimé que les symptômes développés étaient habituels à une bonne angine, je n’a pas vu de médecin et je me suis soignée avec du Dafalgan et de la Lisopaïne. Le test sérologique effectué par hasard a mis en évidence les anti-corps. Pour conclure, la confiance dans le corps médical a pris du plomb dans l’aile. Je garde toute mon estime à Didier Raoult découvert par hasard lors d’une émission sur LCP en 2016 .Depuis je lis ses ouvrages. Il est un scientifique de valeur qui doit être écouté et respecté et de le voir traité de charlatan par certains est immonde.

      • Ce n’est pas la question. Je ne lis jamais France-Soir. Cela pourrait bien paraitre dans Minute ou l’ Humanité , qu’est-ce qui (de factuel; mettons les quelques appréciations affectives de côté) vous semblent plutôt faux ou vrai ? Banal ou préoccupant (ex : cursus des co-auteurs)

      • Et quand bien même , cette méta-analyse est une farce, et quand on connait les auteurs, il n’y a qu’une possibilité, la mépriser pour ce qu’elle est , un pion supplémentaire pour occuper le terrain au maximum, poussé par ceux qui veulent arriver à vendre leur molécules inutiles et toxiques hors de prix, et que dérangent fortement la possibilité d’un traitement plus efficace bon marché … CQFD , et je ne suis pas pro Raoult loin de là …

  7. D’une grande sagesse le point d’interrogation final du titre.
    – Nos outils pour lire la réalité de cette virose sont-ils bien adaptés à ce qui nous arrive d’inédit en ce moment ?
    -Combien de malades ont pu être soulagés, ou guérir, avec des méthodes thérapeutiques dont a jamais eu la preuve objective d’action depuis qu’Homo sapiens a eu cette ambition ?
    Wait and see, n’est-il pas ?

    • Quel dommage que tous les soi-disant Agrégés, Ministres, Experts et Cie ne pensent pas la même chose …

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