Le monde est à l’arrêt, sa formidable machine à produire et à polluer a été stoppée net. Les eaux des canaux à Venise ont retrouvé leur limpidité. En Inde la diminution de la pollution a rendu visibles pour la première fois depuis 30 ans les sommets de l’Himalaya. On a vu récemment deux daims se promener dans les rues de Boissy-Saint-Léger. La nature reprend ses droits. La santé a pris le pas sur l’économie, divine surprise pour les écologistes. Ce dont Greta Thunberg rêvait, le covid-19 l’a infligé à notre planète au prix de milliers de morts.
Pour de nombreux chercheurs, il existe un lien entre la pandémie de coronavirus et la crise écologique. On se trouve aujourd’hui dans le domaine des maladies infectieuses devant une situation paradoxale. D’un côté le nombre de personnes touchées par une maladie infectieuse diminue, cette diminution qui commence avant l’apparition des vaccins et des antibiotiques, est surtout due à la santé publique et à l’hygiène. Aux Etats-Unis, le nombre de personnes infectées a par exemple baissé de 95% entre 1900 et 1980. Par contre, le nombre d’épidémies augmente. Au niveau mondial, le nombre d’épidémies a été multiplié par plus de 10 entre 1940 et aujourd’hui.
Cette recrudescence est liée à la perte de biodiversité. Une maladie infectieuse se transmet dans la plupart des cas d’un animal sauvage à un animal domestique d’élevage puis à l’être humain. L’animal domestique est un hôte intermédiaire. Dans le cas du covid-19, le professeur Serge Morand estime qu’il y a 95% de chances que la cause de l’épidémie soit une chauve-souris et non un pangolin, ni un rongeur. « Le pont » vers l’être humain n’a pas encore été identifié comme par exemple celui de la civette avec le Sras.
D’autres chercheurs ont montré que cette destruction de
l’habitat du monde sauvage augmente le risque infectieux. Plus la biodiversité
est forte, plus les microbes circulent à faible bruit, et moins ils se
transmettent à l’espèce humaine. Mais lorsque la biodiversité chute souvent à
cause de la réduction de l’habitat sauvage, les contacts et la transmission à
l’homme sont favorisés. De nombreux systèmes de régulation des pathogènes sont
bouleversés. Ainsi on assiste à une diminution de prédateurs importants tels
que les lynx ou les loups qui contrôlent les populations de petits mammifères
rongeurs, porteurs de microbes divers. Ces prédateurs, en contrôlant
l’abondance des rongeurs, réduisent la transmission des pathogènes. Nous créons
des « pathosystèmes » en perturbant les capacités de résilience de la nature.
Autre exemple avec le virus Nipah apparu en Indonésie dans les années 90. Du
fait de la déforestation les chauve-souris réservoirs du virus se sont
déplacées vers les fermes et ont contaminé les cochons et l’homme.
La pandémie de covid-19 n’est pas seulement une crise sanitaire mais le signe d’un dérèglement du monde lié à l’activité humaine. Nous sommes devenus l’espèce dominante et nous sommes capables de briser les chaînes de reproduction de toutes les espèces vivantes depuis les poissons jusqu’au jusqu’aux oiseaux en passant par les insectes. Et quel est le meilleur véhicule de transmission pour un agent pathogène sinon l’espèce qui domine la totalité de la planète ? Ce d’autant que la globalisation marchande, qui multiplie les échanges entre les pays, accélère la diffusion de l’épidémie. Jamais une épidémie ne s’était répandue aussi rapidement. La Sras en 2002 avait mis un an pour arriver de la Chine en Europe. Le covid-19 n’a mis que trois mois. Il est vrai que l’on échange beaucoup plus aujourd’hui qu’en 2002.
Nous vivons en ce moment le dernier signal d’alerte de la faune sauvage. Serons-nous assez forts pour réagir? Ces épidémies sont des alertes. Si nous ne préservons pas la biodiversité, les crises sanitaires vont se multiplier. Pour prévenir une prochaine crise comme celle-ci, il faut traiter les causes plutôt que de se retrouver encore et encore à en traiter les conséquences. Il est à craindre que nous vivions les dernières flambées de maladies infectieuses venant de la faune sauvage avant sa disparition totale.
Merci pour votre lettre, qui encore une fois, nous replace devant nos responsabilités. Oui, il faut tirer le signal d’alarme. Cela implique un engagement de ceux qui croient au jour d’après ! En sommes nous tous prêts ?
Merci Laurent,
Bonne journée
Jacques
Vous avez bien raison de tirer le signal d’alarme, et de tenter d’élargir le champ de vision de la situation planétaire inédite que nous vivons, et dont nous sommes les seuls RESPONSABLES.
Il y a là une gigantesque plaie béante de notre civilisation. Elle – et nous avec- ne peut survivre que si nous prenons la peine de la panser comme il faut. Ce qui n’est possible que si, enfin, nous pensons correctement le système global de notre réalité. Tout le reste, avec l’idée débile d’un retour à la normale ne sera que lamentable pipi de chat.
Urgence donc : penser enfin autrement qui nous sommes et ce que nous faisons.