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Pandémie, pourquoi les Allemands font mieux que nous ?

Il y a quelques jours, le ministre de la santé de l’Allemagne, Jens Spahn annonçait « que l’épidémie était sous contrôle ». Et dès le 20 avril les premières mesures de déconfinement ont été prises comme l’ouverture des magasins avec une surface allant jusqu’à 800 mètres carrés.

Comment expliquer que les Allemands font apparemment beaucoup mieux que nous ? On ergotera qu’ils ont une semaine de retard sur nous dans la propagation de l’épidémie et qu’ils n’ont pas eu la malchance du cluster de Mulhouse qui a été responsable de la dissémination du corona aux quatre coins de l’hexagone. Il reste qu’avec une population supérieure à la nôtre et en moyenne plus âgée, les allemands ont quatre fois moins de morts que nous.

Cela tient d’abord à la qualité de leur classe politique. Leurs dirigeants sont des vrais scientifiques à la différence des nôtres pour la plupart énarques et plus littéraires que scientifiques. On peut opposer le ton prudent, réaliste presque froid d’Angela Merkel à celui plein d’emphase d’Emmanuel Macron. Aux accents martiaux de Macron « nous sommes en guerre » le président Frank-Walter Steinmer a répondu : Non, cette pandémie n’est pas une guerre, les nations ne s’opposent pas à d’autres nations, les soldats à d’autres soldats, c’est un test pour notre humanité ». La formation d’Angela Merkel, un doctorat en physique quantique, lui confère une véritable crédibilité scientifique. Elle est capable d’exposer simplement des questions scientifiques complexes. Ce qui lui vaut regain de popularité avec 79% d’opinons favorables.

Cela tient aussi à leurs structures médicales. Pourtant les allemands n’investissent pas plus que nous dans la santé : 11% du PIB.Il reste que leur tissu hospitalier est plus important que le nôtre, l’Allemagne est le pays d’Europe qui compte le plus de lits d’hôpitaux : 823 lits pour 100 000 habitants, contre 623 en France. L’Allemagne dispose de 25 000 lits en soins intensifs contre seulement 7 000 chez nous.

Par ailleurs, la collaboration entre les secteurs publics et privés et entre l’hôpital et la médecine de ville en particulier les généralistes, est meilleure que chez nous. Il faut dire que les généralistes allemands sont bien mieux équipés que nos généralistes et sont capables de faire au cabinent un certain nombre d’examens complémentaires (examens de sang, électrocardiogramme), ce sont eux qui pratiquent le dépistage du covid-19.

Autre facteur qui a joué un rôle considérable dans cette crise sanitaire, un tissu industriel sans commune mesure avec le nôtre. Les deux grands fabricants allemands de respirateurs Dräger et Lövenstein medical ont été capables en travaillant 24 heures sur 24 de doubler voir de tripler leur production et de répondre ainsi à une commande de 16500 respirateurs.

Les Allemands sont aussi capables de suspendre leur force de production pour faire face à l’épidémie. Ainsi, ils n’ont pas hésité à mettre à l’arrêt pendant 15 jours une entreprise en Bavière où avait été identifié l’un des tout premiers cas sur leur territoire. C’était le 28 janvier, au début de l’épidémie, cette mesure s’était accompagnée de la mise en quarantaine de 200 personnes.

Enfin les Allemands ont eu la chance de compter sur un personnage qui a été un acteur décisif pour mettre en place une stratégie fondée sur le dépistage massif. Ce personnage c’est Christian Drosten, professeur en virologie de l’hôpital de la Charité de Berlin, un des meilleurs spécialistes mondiaux des coronavirus. Dès le 30 décembre, il est alerté par les nouvelles venues de Chine. Il met son équipe de chercheurs en ordre de bataille. À peine quinze jours plus tard, cet homme de 47 ans, cheveux noirs touffus et visage enfantin souvent renfrogné, convoque la presse pour annoncer qu’il a mis au point le tout premier test de dépistage de biologie moléculaire du Covid-19 (PCR). Christian Drosten met en place une politique de dépistage massif et précoce dès le début de l’épidémie. Ainsi au 24 mars, la France n’a réalisé qu’un total de 101 046 test, contre 500 000 tests par semaine en Allemagne. En rapportant le nombre de tests à la taille de la population nationale, soit le nombre de tests réalisés pour 10 000 habitants dans chaque pays, la France en réalise pour l’instant 15. Cinq fois moins que l’Allemagne.

« Tester toute la population, ça n’a de sens » a proclamé notre président lors de sa dernière allocution, « il faut réserver les tests aux sujets qui présentent des signes cliniques » a-t-il ajouté en substance… C’est précisément le contraire qu’il faut faire. Car il n’est pas très utile de tester les personnes symptomatiques, pour lesquelles un diagnostic clinique suffit le plus souvent. Celles qu’il faut tester en priorité, ce sont leurs contacts. Et il faut tester aussi les personnes qui ne présentent aucun symptôme et qui risquent de contaminer un maximum de personnes sans le savoir ! Tous les chercheurs s’accordent sur cette idée des tests massifs pour isoler les sujets contagieux, c’est cette politique qui a permis aux Allemands d’envisager le déconfinement.

La politique sanitaire menée par Macron paraît floue et louvoyante et on peut avoir des doutes sur la qualité du comité scientifique qui l’inspire. Dans ces conditions le déconfinement prévu le 11 mai risque bien de nous conduire à la catastrophe avec une nouvelle flambée de l’épidémie.

Laurent Vercoustre

21 Commentaires

  1. excellent post, very informative. I wonder why the opposite specialists of this sector don’t
    notice this. You must proceed your writing. I am sure, you’ve a huge
    readers’ base already!

  2. des commentaires généraux sur la france en général n’ont pas de sens, comparez france de l’est et de l’ouest et vous trouverez les mêmes différences qu’entre france et allemagne, et il n’y a pas plus de lits à l’ouest qu’à l’est, certains départements sont à 0 mort, moins qu’en allemagne, comparons ce qui est comparable et sur des données solides

  3. Bravo. Clair et net. Et Houellebecq qui vient de dire que ce sera pire après. J’en suis sûr, et c’est bien ça qui me désespère…

    • Tout cela est vrai mais le blog de Gerard Maudrux pose la vraie question, à laquelle il n’apporte pas non plus de réponse : qu’on dépiste plus ou moins , qu’on teste plus ou moins, qu’on confine plus ou moins, tout ça n’explique pas la différence de mortalité pour un nombre de contaminés identique : 4,5 fois plus en France.

  4. Un autre facteur d’explication sur leur nombre de lits de Rea chez nos voisins, selon une connaissance franco-allemande dont le métier est d’aider les EHPAD à construire leurs projets de soins et de vie : il semblerait que les allemands opèrent beaucoup plus que nous – et disposeraient en conséquence d’un parc de lits de Rea bien supérieur au nôtre en temps normal ?

    Outre notre dépendance française envers les entreprises délocalisées à l’autre bout du monde, contrairement à eux qui ont su conserver des entreprises de fabrication (de respirateurs – fiables -, de réactifs et de machines de test, de médicaments…) sur leur territoire…

    Bref, en complément de votre analyse que je partage, un point de vue d’expert qui apporterait son analyse comparative de nos deux systèmes de santé mais aussi de nos politiques industrielles, serait bienvenu 🙂

    Ne payons-nous, d’une part, notre politique « des idées que nous avons à la place du pétrole » ? De notre choix cinquantenaire d’abandonner le secteur secondaire au profit du tertiaire ?
    D’autre part, ne payons-nous pas aussi notre politique, plus récente, de vouloir devenir d’aussi  « bons élèves » que nos voisins allemands, à marche forcée d’un point de vue comptable – tant pour notre système de santé que pour notre système financier national ? (N’oublions pas que ces exemples  idéaux théoriques, comme le sont présentés nos voisins, sont aussi ceux qui ont choisi de maintenir la production d’électricité à partir du charbon pour un certain nombre d’années encore, par Realpolitik … ).

    Au total : je partage les avis selon lesquels cette différence serait multifactorielle et pas que sanitaire pure.

  5. Un volet complémentaire me semble d’analyse la plus ou moins value d’un « comité scientifique » à la française (pour moi : bien qu’ex médecins pour la plupart, devenus depuis longtemps des fonctionnaires courtisans) , vrai-faussement drivé par un énarque junior .
    Quid aussi des traitements utilisés en Allemagne (+/- Raoult, ou autres , ou rien comme préconisé en France) ?

  6. On a fait le choix de réduire le nombre de praticiens, le nombre de lits et ce qui va avec pour se concentrer sur des « pôles d’excellence » dans le but de sauver l’assurance maladie. On a oublié que ce qui a fait la qualité et la réputation de notre système de santé était précisément la qualité de la « médecine de premier recours » telle qu’on la connaissait encore dans les années 90, avec un maillage serré de compétences jusque dans les plus modestes structures hospitalières de proximité où les chefs de service étaient des anciens chefs de clinique de CHU. On est contraint à aller chercher des praticiens à l’étranger pour faire tourner tant bien que mal ces structures de nos jours. Et puis la technocratie administrative a envahi nos activités. Que faire ? C’est tout simple: donner à nos étudiants des responsabilités de soins beaucoup plus tôt sous le contrôle des « maitres », recréer un maillage serré de compétences autour des structures hospitalières mais en finir avec l’hospitalocentrisme et la pléthore administrative et technocratique. Il faudra faire vite car les jeunes se détournent des professions médicales et para-médicales.

  7. En dehors de l’isolement des sujets contacts,ce qui n’a pas été assez fait en France. Peut être, par manque de test de confirmation sur les cas contaminants, , la qualité ou le nombre de lits et de matériaux ne change rien, s’il reste vide, faute de malade.
    D’ailleurs le nombre de lit de réa n’est pas comptabilisé de la même façon, il tient aussi compte en Allemagne des lits de soins intensifs et de salle de réveil. On peut se demander à quoi sert en période normale 25 000 LITS de réa et leur personnel alors que les besoins hors épidémie tournent autour de 5000 en France. Ce qu’il serait plus intéressant de connaître, c’est de comparer le nombre de malade en réa et soins intensifs entre l’Allemagne et la France, et le taux de mortalité de ces malades.
    Si la mortalité est équivalente, il y a beaucoup moins de sujets contaminés en Allemagne, ce qui n’est pas rassurant pour la suite chez eux.

  8. Bonjour, ma voisine, 100 ans, a une symptomatologie typique du CoviD : pourquoi la tester ? Il faut la traiter … mais comme on nous apprend que le dogme : je n’ai pas un « résultat «  biologique confirmant le diagnostic… je ne traite pas : traitée par moi , elle va très bien ( je ne veux pas de félicitations) simplement, on veut nous faire croire que avec telemedecine + train d’enfer + plein de truc d’autres choses à régler un médecin va être hyper compétent…….. NON . Les allemands sont-ils plus «  soulagés «  de ce tournis infernal ou de ce dogme , je n’en sais rien mais il y a certainement quelque chose de TRÈS différent. EX: mon mari très, très, malade ( cancer généralisé) : j’envoie Un mail à un médecin qui l’a déjà vu = 0 zéro réponse, je pose une question ( avec envoi d’un scan) dans un service hospitalier allemand ou je ( il ) n’est jamais allé : LE chef de service ME répond !!! Et le standard est ouvert ….. 7 jours sur 7 : 8 h 20 h quasi tous les jours !!!!!! CQFD

  9. quelle belle analyse. J’y ajouterais que les hôpitaux ne comptent pas 35% d’administratifs dans leurs rang mais plutôt des soignants

  10. Zut, j’avais commencé le même billet, car la question est plus qu’intéressante, sans que l’on ait la réponse, car il y a plusieurs facteurs, mais quand même, pourquoi ? Je fais le même constat, et d’autres, mais il en est un que vous n’avez pas et que j’ai, probablement en raison d’une obsession pour laquelle il faudrait que je me fasse soigner : l’Allemagne n’a pas d’énarques, ils prennent donc les bonnes décisions quand il le faut. Ils anticipent, nous on fait l’inverse. Trop tard, et au mieux au jour le jour.
    Je décalerai ma publication (si je la termine)

  11. Quid des Tests négatifs tel lundi (et donc facteur même involontaire d’un relatif relâchement des gestes barrière) et qui se positive le lundi d’après? On peut pas re-tester tous les 3 jours?

  12. Tout ceci n’explique rien!!d’ailleurs ça repart peut être ?Et ils précisent qu ils ont longtemps manqué de masques et que l’approvisionnement y compris pour les professionnels reste délicat .Part contre ils ont su réagir et ont en effet une industrie plus solide.Ils ne comptabilisant pas les décès hors hôpital!!

    • « .Ils ne comptabilisant pas les décès hors hôpital!! » Faux; Etant originaire de la région frontalière, j’ai des contacts familiaux de part et d’autre et je peux vous dire qu’en Sarre par ex. toutes les personnes à pathologies à risques ont le droit d’être dépistées et ils le font. Si d’aventure quelques cas devaient passer au travers, croyez vous que, connaissant le tatillon de l’administration Allemande, celle-ci aveuglerait ces cas quitte à laisser le reste de la famille des décédés se faire contaminer ?

  13. Bonjour, cela est vrai mais il y a aussi d autres facteurs. ils avaient près de 200 machines pour les tests contre 12 en France et 600 dans le monde. Le foyer (cluster) de Mulhouse a été une vraie catastrophe . Par exemple, sur 186 évangélistes de la grande Aquitaine 160 étaient covid +. Trois autres ont importé le covid en Guyane . Par ailleurs , les médecins généralistes allemands peuvent faire des tests biologiques ce qui n est pas le cas en France . Donc, c est multifactoriel et le hasard a aussi joué .

    • un bon travail une étude ne nous laissons pas dépasser par les allemands nos hommes politiques sont mal conseillés

  14. Belle analyse de nos différences. La démonstration de leur supériorité éclate avec la comparaison de nos résultats. Heureusement que ça n’était pas une guerre… Merci pour la clarté de votre exposé. Confraternellement

  15. Bonjour,
    Je vous invite à voir le site https://www.mediterranee-infection.com/covid-19/
    où à la différence de bien d’autres sites, le nombre de décès est rapporté au nombre d’habitants. Et là, le constat pour notre pays est encore plus accablant. A ce jour 335 par million en France , 64 en Allemagne Soit quasiment SIX fois moins…..

    • Et en Israël (où les masques sont en vente libre dans les supermarchés) il y a 15 fois moins de morts par million d’habitants qu’en France.
      Et puis Israël a immédiatement fermé ses frontières, dès les premiers cas importés. Du jour au lendemain, 30 groupes de touristes italiens ont été renvoyés chez eux, au grand dam de l’industrie touristique.

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