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Le grand remplacement : histoire d’un malentendu

Professeur au Collège de France, à la chaire migration et société, il dispense ses analyses  sur le sujet le plus passionnel de notre époque,  avec calme, pondération et sérénité. Authentique chercheur François Héran est garant de l’indépendance scientifique des études sur l’immigration.  Que nous dit-il sur ce fameux grand remplacement ?

Marine Lepen en plein cœur de la crise migratoire de 2015 s’écriait : « J’accuse l’ONU de concert avec la Commission européenne d’organiser sciemment la submersion migratoire de l’Europe . Faut-il rappeler que les technocrates de l’ONU demandent l’accueil de 120 millions d’immigrés extra européens sur notre continent ». Pourquoi Marine Lepen interpelle  ainsi les technocrates de l’ONU ?C’est que toute cette affaire du grand remplacement a commencé par un rapport de l’ONU publié le 21 mars 2000, intitulé « Les migrations de remplacement : est-ce une solution au déclin et au vieillissement des populations européennes ?» Vingt ans donc depuis la publication de ce rapport. La presse française avait immédiatement réagi : « L’immigration un remède pour la vieille Europe. Selon l’ONU, il faudrait 160 millions d’immigrés pour rééquilibrer la démographie de l’Union Européenne » commentait Libération. La presse nationale se référait au dernier et au plus radical des six scénarios envisagés par l’ONU.  Scénario que l’ONU lui-même considérait comme irréel et inapplicable. Mais il était trop tard, les médias avaient pris ce rapport au pied de la lettre.  Et Marine Lepen reliait la crise migratoire de 2015  avec le rapport de l’ONU de 2000.

Ce rapport a eu un formidable succès dans les milieux d’extrême droite. L’ONU est créditée par certains auteurs d’avoir annoncé en terme tout à fait clair dès l’année 2000 le mal diagnostiqué par Renaud Camus père de la théorie du grand remplacement. Un journaliste d’extrême droite proclame en août 2019 : « l’ONU considère que la migration de remplacement est nécessaire en France et en Europe. Renaud Camus voyait juste et disait vrai en anticipant le grand remplacement que l’ONU présentait sans détour sous le nom de migration de remplacement comme la seule solution viable à la survie de nombreux pays européens ».

L’extrême droite tantôt célèbre  l’ONU pour avoir prédit la situation actuelle et donné un fondement scientifique à ses théories, tantôt l’accuse d’être au cœur d’un complot. En témoigne cette déclaration du FN où perce le complotisme : « Le grand remplacement est orchestré par une élite cosmopolite qui est décidée à détruire les nations en encourageant une immigration massive ».

Philippe de Villiers reprend dans son essai contre l’immigration musulmane Les cloches sonneront-elles encore demain la thèse complotiste. Il prétend montrer dans son livre que cette colonisation musulmane s’est réalisée à partir d’un plan secret des élites sur instruction des Nation Unies. Ce plan prévoit pour la France l’entrée de 16 millions de migrants de 2020 à 2040.

Revenons sur le scénario numéro 6 de l’ONU qui pose ainsi le problème : comment dès maintenant ( en 2000) enrayer le poids relatif  des séniors et garder un rapport de soutien d’au moins 3 actifs ( 15-65 ans) pour un inactif (65 ans et plus).En bref comment compter sur les jeunes migrants pour abolir le vieillissement. Il s’agit bien ici de maintenir  les ratios entre population jeune et âgée. Dans cette perspective la France devrait cumuler 90 millions de migrants sur la première moitié du 21e siècle, l’Allemagne 182 millions, l’UE près de 700 millions. Étendu à la terre entière, le scénario obligerait à chercher des « remplaçants » dans des arrière-mondes qui n’existent pas. Ces chiffres sont évidemment irréalisables et ce scénario est la preuve par l’absurde que l’immigration ne peut en aucun cas éviter le vieillissement des populations.

Maintenant si on regarde le scénario 4 de l’ONU : combien de migrants faut-il pour éviter la baisse de la population d’âge actif, les effectifs de migrants dans cette simulation sont proches des effectifs actuels. Reprenons ces chiffres : la France compte 66 millions d’habitants dont 8 millions d’immigrés et 9 millions d’enfants nés sur place. Voilà pour le stock comme disent les démographes. Du côté des flux, la France enregistre chaque année 800 000 naissances dont 130 000 de mères étrangères. Par ailleurs elle compte chaque année 200 000 demandeurs d’asile, ce qui représente 0,3 % de la population et revient  à accueillir 2 personnes dans un stade de 10 000 personnes pour reprendre l’image de François Héran [1].

On ne peut nier cependant qu’il n’y a jamais eu autant d’immigrés en France du fait de l’accumulation au fil des décennies. Ils représentent 11% de la population. Avec leurs enfant nés sur place, on s’approche d’un quart de la population. On n’avait jamais atteint des chiffres semblables. C’est pourtant le fait de toutes les  démocraties européennes.


[1] F. Héron, Avec l’immigration , Edition La Découverte, Paris 2017, p.168.

Laurent Vercoustre

4 Commentaires

  1. en ce moment,la FRANCE reçoit des afghans qui parlent suédois,et des arabes qui parlent allemand
    pas besoin de faire 1 dessin

  2. Encore faut il s’entendre sur la définition de «  toutes les démocraties européennes », et des conséquences attendues.

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