L’examen gynécologique n’est plus un examen comme les autres depuis le 21 octobre 2021. C’est en effet à cette date que le CNGOF ( Collège National des Gynéco-Obstétriciens Français ) publie la Charte de l’examen gynécologique. Toutes les sociétés savantes de gynécologie ont participé à son élaboration[1].
De son côté, le Comité Consultatif National d’Éthique (CCNE) est sollicité en juillet 2022 par la Première ministre Élisabeth Borne pour donner un avis sur la question du consentement lors des examens gynécologiques. C’est une enquête visant une membre de son gouvernement qui a motivé cette saisine. La secrétaire d’État au Développement, Chrysoula Zacharopoulou, gynécologue de profession, spécialiste reconnue de l’endométriose, est en effet visée par une enquête après deux plaintes pour viol et une troisième pour « violences » déposées ces dernières semaines.
En mars 2023 le CCNE rend sa copie, sous la forme de l’avis 142, qui présente une réflexion approfondie sur la notion de consentement dans le cadre des examens gynécologiques ou touchant à l’intimité des patientes. Contrairement à ce qui est préconisé dans certains pays, le CCNE ne considère pas qu’il soit pertinent de recueillir le consentement de manière écrite, ni de demander qu’un tiers soit systématiquement présent pendant l’examen. En revanche, le CCNE insiste sur le fait que le consentement ne doit plus être tacite ou présumé, mais être explicite et différencié pour chacun des examens pratiqués durant une consultation.
On est un peu surpris par cette protocolisation. La qualité de notre relation à l’autre dépend beaucoup plus de notre capacité à l’inventer qu’à celle de nous soumettre à des prescriptions.
Examinons maintenant ce que nous dit cette Charte et le texte du CCNE .Voilà un exemple tiré de la Charte : « le praticien, médecin ou sage-femme, conduit la consultation avec bienveillance et respect, en gardant à l’esprit la particularité de cette consultation et les besoins d’écoute et de dialogue. » Ces prescriptions moralisantes n’ont pas beaucoup de sens, car ce qui est mis en jeu ici n’a plus rien à voir avec le domaine médical et sa rationalité qui veut que l’on prescrive telle ou telle attitude. C’est le domaine de l’éthique qui est concerné. Et dans cette perspective, c’est notre moi profond qui est sollicité, par l’exigence de bienveillance de respect et d’écoute. On ne peut imaginer être bienveillant, respectueux, à l’écoute, sous la commande d’autrui. Par ailleurs ce moi s’est constitué tout au long de notre vie psychique. Quel que soit les exhortations de cette Charte nous n’échapperons pas à nous-même. À moins peut-être d’avoir fait un travail sur soi.
Au point où nous en sommes il convient de se poser une question fondamentale. Cette Charte est-elle la réponse à une réelle augmentation d’actes délictuels à caractère sexuel infligés aux patientes par les soignants ou bien a-t-elle pour objectif de désamorcer les mouvements féministes et les associations qui revendiquent essentiellement une autonomie et une démédicalisation de la grossesse. Pour la sociologue Lucile de Lausanne : « les féministes ont construit la consultation médicale, en gynécologie, comme un objet politique, le lieu d’expression d’un rapport de pouvoir. Ça a amené une partie de la profession à se questionner sur les pratiques », Je tenterai de répondre à cette question qui a de multiple faces dans mon prochain billet.
Je souhaiterais maintenant débattre de cet examen gynécologique à travers une approche plus particulière, à travers la psychanalyse. Il me faut ici avancer sur la pointe des pieds afin de ne pas déclencher un déferlement réprobateur. Le discours qui s’oppose à un excès de médicalisation peut emprunter un certain nombre de stratégies propres à l’hystérie. L’hystérie représente un contre-pouvoir face à l’hégémonie du discours médical. Elle opère généralement selon une stratégie qui consiste à tendre un piège à la médecine. N’oublions pas que le corps féminin — ici menacé par l’examen gynécologique— est au cœur du discours hystérique. C’est le corps féminin martyrisé par les techniques médicales qui est exhibé. Corps féminin martyrisé mais aussi érotisé. Érotisé selon une dialectique où tout à la fois il refuse et revendique d’être objet de désir. Je laisse cette interprétation psychanalytique à votre approbation ou désapprobation. Si on écoute Lucien Israël auteur d’un ouvrage remarquable intitulé l’hystérie, le sexe et le médecin, il ne faut pas accorder au mot hystérie la signification d’une dépréciation de la femme, car à ses yeux « L’hystérie n’est pas un phénomène pathologique et peut à tous égards être considérée comme un moyen suprême d’expression ».
[1] Société savantes ayant participé à la rédaction de la Charte de la médecine libérale : Le CNGOF – Collège national des gynécologues et obstétriciens français ; La FNCGM – Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale ; La SCGP – Société de chirurgie gynécologique et pelvienne ; La SFG – Société française de gynécologie ; Ainsi que le CEGO – Collège des enseignants de gynécologie-obstétrique ; et le CNEGM – Collège national des enseignants de gynécologie médicale.
Parfaite analyse de la situation, à opposer aux injections paradoxales et incantations diverses des « moralisateurs », justiciers » « redresseurs de torts », « conseilleurs ».
Chaque consultation est un dialogue, a priori bienveillant, chaque geste en relève, ainsi que le consentement correspondant mais quelle que soit notre pratique, la catégories ci-dessus essaieront toujours de se faire entendre.
News :
https://twitter.com/ordre_medecins/status/1664648667930689538
Mouais.
Un toucher vaginal sans lubrifiant peut être douloureux (et même avec) – ça n’en fait pas pour autant un acte délictueux à caractère sexuel. Mais pour une femme qui se fait examiner, c’est une honte que l’utilisation d’un lubrifiant soit laissée au bon vouloir de la conscience éthique du médecin.
Il est désespérant qu’aucune remise en question ne soit sortie des pratiques anti-éthique et illégales du corps médical en général durant la crise Covid. Par illégale, j’entends par exemple le fait de s’être soumis à l’injonction de vacciner tout le monde sans discrimination alors que le médecin doit recueillir un consentement libre après une solide information, chose qu’ordonne la loi sur la santé. Cette loi définit très précisément ce qu’est un consentement libre, c’est-à-dire qu’il ne doit être soumis à aucune pression. Qu’un gouvernement fasse passer des décrets qui sont contraires à la loi ou même des lois d’urgence ne fait pas du médecin quelqu’un d’excusable pour cette pratique (vu qu’une loi n’annule pas une autre loi, fût-elle d’urgence). Qu’une pandémie soit quelque chose d’inattendu et d’exceptionnel n’est en rien une excuse. Si en tant d’années d’études un médecin ne s’est jamais posé la question d’une pandémie et de son propre comportement de praticien face à cet événement singulier, dont l’arrivée certaine a été forcément annoncée en cours (j’ai vu de multiples exemples de cours abordant la question), on est en droit de se poser des questions sur l’éthique des médecins… à laquelle vous voulez donc confier le patient.
Bien sûr, on peut penser que la majorité des médecins ont des valeurs éthiques fortes (la crise Covid a montré que non selon moi). Mais si 5 % des médecins sont non éthiques, vous dites quoi à leurs patients ? Qu’ils n’ont pas eu de chance ?
Ce billet est courageux, car il risque d’être mal interprété. Pourtant, quelle belle analyse. Le médecin, le soigné,qu’il soit elle ou il, devraient tirer de ce texte un questionnement constructif.
Je crois savoir que l’hystérie, à la suite de quelles pressions(?), n’existe plus.
Je me souviens de mes manuels de psychiatrie quand j’étais étudiant : un chapitre était consacré à l’hystérie, au même titre qu’aux autres pathologies.
Et je pense aussi à l’œuvre de Charcot.
Mais sans doute devrais-je ne pas me souvenir et ne pas penser…
Question!
Est-ce que l’hystérie est le seul moyen de s’exprimer pour se faire entendre ???
On dirait oui à l’état d’esprit actuellement…