C’était trois ans avant mon départ en retraite, on nous avait promis la visite des inspecteurs de la HAS avant l’été. Ils venaient pour la phase 3 du processus d’accréditation de l’hôpital. « Phase 3 », « processus d’accréditation », ces mots m’intimidaient. Jusqu’au jour où j’ai vu débouler dans le service un de ces dignes inspecteurs. C’était un petit homme charmant, pressé, il devait inspecter tous les services de l’hôpital. Il a traversé le nôtre comme une flèche.
Sa seule question fut :« et chez vous comment ça se passe pour les fins de vie ? ». Je le regardai éberlué, il me posait cette question, comme un inspecteur des ventes d’une grande surface aurait demandé à son vendeur si le dernier modèle d’écran plat se vendait bien. J’eus envie de lui dire que les patientes étaient très contentes de leur agonie et que si elles le pouvaient, elles reviendraient volontiers mourir dans notre service. Mais, je me contentai de lui répondre que notre problème était plus aux débuts de vie qu’aux fins de vie, je lui fis en effet remarquer qu’il se trouvait dans une maternité. « C’est vrai », me dit-il, imperturbable et il décampa, il était pressé…
J’appris par ailleurs que ce sympathique inspecteur n’avait eu qu’une obsession pendant son bref passage : la douleur, car la prise en charge de la douleur était cette année-là le critère privilégié par la HAS pour évaluer la qualité. Ce qui importait par-dessus tout à notre inspecteur, c’était de voir si l’item douleur était bien était notée dans les dossiers selon la magique échelle numérique, EVA. Quelques jours après le passage de la HAS, une patiente hospitalisée pour des coliques néphrétiques survenues au cours de son 6e mois de grossesse, me faisait la confidence suivante : « Voilà dix jours que je souffre horriblement jour et nuit et tout le monde s’en fout ». J’allai voir son dossier, la douleur avait été soigneusement chiffrée et notée tout au long de son séjour. Nous avions bien exécuté les recommandations de la HAS, et en définitive pour notre charmant inspecteur, c’était bien là le plus important. Je ne reviendrai pas sur le dramatique égarement conceptuel que représente l’EVA. Il existe paraît-il une échelle de l’anxiété !
Ce que je voudrais montrer ici c’est que la qualité et la pertinence des pratiques médicales ne peuvent pas s’apprécier au travers de procédures de contrôles stéréotypées. La démarche qualité imposée par la HAS représente une de ces monumentales impasses conceptuelles dans lesquelles notre société aime à se fourvoyer. Simplement parce qu’un soin ce n’est pas un objet. On ne contrôle pas la production de soins comme la production de voitures. La dérive qui veut que la qualité soit toujours quantifiable, est à l’image de notre modernité qui prétend tout mesurer. Dans l’entreprise, la notion de qualité correspond à la mise en conformité avec des standards ou des normes. Encore une fois, on peut définir des standards et des normes pour une voiture, pas pour un soin. Certes, on peut parfaitement recenser les gestes, les précautions d’asepsie, la conformité du matériel nécessaire pour poser une sonde à urine par exemple. Mais, dès qu’on donne au mot soin son sens le plus élevé, celui d’un acte impliquant la connaissance médicale et la relation entre deux personnes, le médecin et son patient, on a à faire alors à un tout autre ordre de vérité.
Il faut bien se rendre compte que ces contrôles qualité ne prennent pas toujours la forme comique de mon anecdote mais peuvent parfois conduire au pire. Ainsi un article de libération du 26 mars 2016, intitulé « Psychiatrie, l’enfer derrière les portes », dénonce des pratiques honteuses infligées à des patients dans un centre psychiatrique : patients enfermés pendant plusieurs mois, ou attachés au lit ou au fauteuil jusqu’à 23 heures par jour. Dans l’une des unités, une personne est isolée attachée depuis une date indéterminée. À la suite de nombreuses plaintes, une enquête est menée par le contrôleur des lieux de privation de liberté. Il déclare : « Je suis sidéré que la Haute Autorité de santé qui est venue depuis ces dernières années, voire ces dernières semaines, n’ait pas observé ce que notre mission a vu. Le contrôleur conclue : « Ce qui est sidérant, c’est que dans le discours de cet établissement, tout est parfait, les procédures comme il faut, avec le jargon médico-administratif qui convient. Mais dans les faits c’est un autre monde, un vrai cauchemar ; cherchez l’erreur. »
Chercher l’erreur ! L’erreur c’est qu’une fois de plus, notre médecine s’est coupée de la pensée.Ce n’est pas sous la forme du contrôle qu’on élèvera la qualité des soins. Parce que la démarche qualité ne peut avoir à son horizon une limite définie, elle doit contenir dans son principe même l’exigence d’un dépassement continu et infini. « Le bien qui sort de sa réclusion pour jouer un rôle public cesse d’être bon, il se corrompt intérieurement et partout où il va, apporte sa corruption ». On pourrait transposer cette réflexion de la philosophe Hannah Arendt à la qualité. La qualité, comme le bien, se corrompt dès qu’on l’impose dans une organisation humaine sous la forme de la norme.
La qualité ne peut provenir que de la qualité des hommes. Seul un système capable de promouvoir les individus de valeur peut élever la qualité. Or c’est exactement le contraire qui se passe aujourd’hui à l’hôpital. Par ailleurs un soignant doit répondre de ses actes devant une personne et non à l’aune de normes. Personne devant laquelle, il est responsable de ses actes mais dont il attend aussi une reconnaissance. Tout le discours qualité de la HAS occulte autant la responsabilité que la reconnaissance. En témoigne cette phrase : « L’approche positive de l’erreur conçoit les erreurs et les dysfonctionnements comme des opportunités d’amélioration et non comme des fautes dues à un coupable qu’il convient de sanctionner. » On ne peut reconnaître le mérite que si l’on sanctionne la faute. La déroute de l’hôpital s’explique par la transposition de règles de qualité de l’entreprise au monde hospitalier et par la perte du lien entre les soignants. Les recommandations concernant la qualité constituent ni plus ni moins la mise en discours de la confusion qui règne à l’hôpital. Car elles mélangent constamment des domaines discursifs qu’il convient de distinguer formellement : on y trouve pêle-mêle des règles de savoir vivre, des références éthiques, juridiques, règlementaires. Cette confusion aboutit à la dissolution de l’autorité. Or, comme le dit encore Hannah Arendt, c’est la hiérarchie elle-même, dont chacun reconnaît la justesse et la légitimité, et où chacun a d’avance sa place fixée qui fonde l’autorité et crée le lien.
Merci pour cette analyse pertinente.
L’hôpital public va très mal et depuis de nombreuses années.
La psychiatrie n’est pas une discipline valorisée durant les études de médecine.
Le Covid-19 a démontré à quel point le système hospitalier français est malade… ce n’est pas le Covid-19 qui l’a infecté, mais les politiques publiques qui ne sont pas à la hauteur des enjeux.
La qualité des soins prodigués aux patients nécessite des moyens humains et financiers.
Il est anormal que dans un pays riche tel que la France, nous ne soyons pas en mesure de soigner convenablement des patients atteints du Covid-19, au point de transférer des patients en Allemagne, Luxembourg…etc.
Quel plaisir de se sentir autant en phase avec cet article et ses commentaires.
C’est partout pareil, pendant qu’on a abandonné nos industries nous avons créé des consultants des coachs des contrôleurs qualité qui évaluent des processus industriels auxquels ils n’ont jamais participé sur le long cours… l’industrie de toute façon, à la moindre crise sérieuse ne sera plus sous notre contrôle car l’appareil productif a été cédé à des 1000 ers de kilomètres…l’intelligence scolaire ne suffit pas. Dès ce stade ça dysfonctionne d’ailleurs… quand on prend trop de hauteur on finit perché …
En résumé on demande à des puceaux qui n’ont rien fait d’autres que d’apprendre des livres et des films d’apprendre à aimer à ceux qui aiment comme ils peuvent sur le terrain avec ses imprévus et sa diversité…
C’est à vomir car le rapport bénéfice patient/temps passé est complètement défavorable…
C’est aussi le mirage d’un monde de process bien huilés et si efficaces qu’on peut faire rentrer un excellent travail de médecin dans du 09 18 ; 5 jours hebdo 6 semaines de CP… la réalité est que la médecine est un métier passion et que seuls les passionnés doivent piloter l’avion (avec certes quelques temps de bureaucratie et de prise de hauteur)
Rendez les soins aux soignants !
Bonjour, Laurent
Je ne te savais pas doué pour créer un blog (moi, je ne sais toujours pas… et le regrette, car je voudrais bien pouvoir m’exprimer !) Excellentes réflexions, et bien souvent partagées par le « patient-impatient » et sans doute insupportable pour les médecins (hélas nombreux et dans des spécialités trop variées à mon goût !) que je suis devenu. Mais je t’avoue ne pas savoir comment faire, face à des médecins tellement formatés (c’est nécessaire, mais, un peu, pas trop…) et en suis réduit à subir sans pouvoir rien dire – sauf à me fâcher définitivement avec tous les médecins du Havre et quelques uns de Rouen !!! Bien amicalement. Jacques Groleau
Tu touches là à une question cruciale. Les médecins ne conçoivent pas le patient autrement que parfaitement docile et soumis à leur savoir. C’est ainsi qu’ils ont été formatés. Mais, il y en a, je les ai rencontrés sur mon BLOG, qui ont dépassé cet archétype de la relation médecin-patient et qui sont de très grande valeur. Il m’a fallu des années avant de savoir parler d’égal à égal à mes patientes.. Amicalement
http://www.lepoint.fr/editos-du-point/sebastien-le-fol/sebastien-le-fol-comment-les-normes-nous-rendent-idiots-09-06-2018-2225574_1913.php
Bravo Laurent pour ce réquisitoire contre ces terribles dérives technocratique que nous avons subi et que nos jeunes collègues endurent. Faudra t-il un collapsus du système pour qu’il y ait enfin un réveil des consciences ?
Merci Jacques pour ta réaction, en effet combien de temps faudra-t-il attendre? le sytème est au bord du collapsus alors espérons qu’il meurt tout à fait pour que ça change.
Consternante conclusion. Vous plaidez pour la hiérarchie alors que c’est elle (médicale autant qu’administrative) qui abolit le mérite, fait régner la cooptation et l’arbitraire, et se vautre avec délice dans les procédures d’accréditation pendant que d’autres travaillent.
Merci pour votre réaction.je me doutais que cette idée d’autorité choquerait quelques uns.
Justement il n’ y a pas aujourd’hui de hiérarchie, et c’est bien là le drame. Les praticiens dans le sytème actuel évoluent comme des électrons libres. Le chef de pôle n’a qu’une autorité fonctionnelle comme disent les textes, c’est à dire qu’il n’a aucune autorité. Il n’a pas le pouvoir de faire exécuter une tâche; Il est souvent choisi par l’administration pour sa soumission et sa passivité et coopté par ses collègues pour son insignifiance, chacun recherchant avant tout sa tranquillité. Il n’ y a pas de progression au mérite à l’hôpital, ni aucun système qui récompense l’initiative, la créativité, la qualité professionnelle.
Si bien que dans le système actuel c’est la médiocratie qui domine et que les personnalités de valeur, là je vous rejoins sont systématiquement éjectés.Je l’ai constaté combien de fois!
Le mot hiérarchie renvoie sans doute à l’idée du mandarinat. Certes il faut instituer une hiérarchie mobile avec chef de pôle nommé pour des durées limités ce qui n’et pas le cas aujourd’hui.
Il faut que ces chefs de pôle sont nommés sur leur valeur propre et non sur leur capacité à se prosterner devant les directeurs.
Le discours qualité a cherché à remplacer un système hiérarchique par l’imposition de normes stupides, qui n’ont en réalité aucune valeur contraignante, ce qui arrangent… les médiocres. Je n’ai pu développer le concept d’autorité chez Hannah Arendt, mais pour Arendt l’autorité n’a rien voir avec la coercition, c’est même tout le contraire, elle incarne des valeurs respectées et na pas besoin d’user de la force.
L’hôpital est en plein délitement parce qu’il n’a pas su instituer dans le corps médical une hiérarchie mobile et fondées sur des valeurs. C’est pourquoi, les passions se déchainent, les coalitions, les complots, les basses manœuvres mènent le jeu des rapports humains. Dans ce huis clos infernal, certains n’ont d’autres solutions que le suicide. Ainsi, dernièrement ce professeur de neurologie à Grenoble, ainsi le professeur Jean-Louis Mégnien en décembre 2015.
M A L a dit…
On est tous acteurs et complices et pourtant les murs taisent la réalité qu’on subit et qui nous écrase? Je ne suis qu’un pion -soignante- d’une structure bien édifiée pour se protéger derrière son miroir aux alouettes et taire la douleur et la révolte qui nous saigne.
La novlangue et son corollaire de protocoles tentent de nous formater au principe de recherche et acquisition de compétences pour occuper nos esprits, justifier à grands frais des dépenses qui ne règlent en rien la pénurie de personnel et matériel dans un domaine aussi vital; LA SANTE.
La santé c’est la vie et on n’a aucunes garanties de pouvoir la préserver et l’entretenir puisqu’elle dépend de DIEU FRIC et MARIE POUVOIR. Au pays des autruches que nous sommes et marchons la tête dans le sable avec nos écouteurs les yeux rivés sur les écrans, on s’occupe du corps, on fait du « management » et en se donnant bonne conscience on oublie l’être, la personne qui vit dans ce corps. On pique, on transperce, on charcute, on harcèle, on méprise, on culpabilise, on ne se soucie pas du vécu, du perçu, du redouté, des soucis personnels et des conséquences. Patient-e on est client-e. Personnel on est impersonnel:agent numéroté, jugé, noté, renvoyé menacé. Les cris de douleurs sont gérés en vase clos afin que le temps qui passe gomme les larmes. Mais la douleur des humiliations, du mépris et le mal qui déchire n’effaceront jamais la souffrance de ceux et celles qui la subissent.
On es tous et toutes concernés et responsables et si conscient-e-s de nos limites on prenait les moyens de changer nos comportements, d’oser dire et dénoncer, d’écouter et nous sentir enfin concernés, la mutation serait le premier pas vers un autre avenir. Le pouvoir sous toutes ses facettes a su mettre en place les moyens de nous museler, pour nous lier à ses objectifs de maintien des privilèges. Protocoles, lois, dispositions, restrictions parcellaires, injustice organisée, toutes ces cartes mettent un paravent sans voir l’être, la personne, ses besoins et ses désirs mais s’arrogent le droit de combattre ceux et celles qui dérangent, contestent, revendiquent. Muté, déconsidéré, culpabilisé, débauché, médicalisé, récusé, ON DIT QU’ON SOIGNE!!!
A L E R T E
Au pays des barbares la maltraitance perdure et les bourreaux agissent en toute impunité.
Merci pour ce témoignage poignant ( et qui témoigne d’un vrai talent d’écrivain !).
Bravo pour ces propos « de vérité », médecin, psychiatre et en fin de carrière administrateur d’un hôpital de 250 lits j’ai « piloté » l’accréditation de mon hôpital, travail harassant, formaliste, mobilisant des ressources du temps qui aurait été mieux employé dans la relation aux patients. Au final quelques vagues recommandation sur des points de détail…Ce processus de contrôle est humiliant pour les équipes et contre productif, c’est un gouffre financier si on le convertit en temps soignant. Le dernier truc » évaluation de la maltraitance » de qui se moque t’on?
Merci pour votre témoignage! Evaluation de la maltraitance, on aura tout vu!
Question qualité : à quand l’évaluation de cette machine à créer de l’utopie et surtout des contraintes ? Faire entrer des exercices professionnels au service de l’humain dans des normes, c’est hérétique. A quand, l’évaluation des managements ? L’évaluation des moyens donnés pour pouvoir travailler avec humanité (les soins généraux sont tout autant impacté par cette folie administrative) ? A quand la fin de cette usine à gaz qui asphyxie les bonnes volontés et favorise le conformisme, le protocolisme (ce néologisme, s’il en est un, montre mon aversion au respect des protocoles sans discernement) né dans les usines et tellement inconcevable dans le vrai monde du soins.
Ceci montre le pouvoir pris par le monde administratif dans le domaine de la santé, au détriment des acteurs du terrain, dans un discours polissé (policé) de « nous ne voulons que votre bien et celui de ceux pour lesquels vous oeuvrez ». Le diable ne se cache-t-il pas dans les détails ?
la qualité mon Q sur you tube, on se sent moins seul
Merci pour votre réaction ,j’ai été voir sur You Tube, c’est excellent !
Cette vidéo du Dr Dupagne est un petit chef d’œuvre : non seulement elle règle définitivement son compte au discours sur la qualité (en 2 minutes !!! ), mais de plus , elle est immédiatement compréhensible par tous nos patients.
Le Dr Dupagne a aussi écrit un livre avec le titre « la qualité mon Q », dans lequel il rappelle que l’on ne devrait plus parler de qualité, mais seulement de bonne ou de mauvaise qualité. Il explique aussi ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut jamais faire face à un « expert qualité ». Ce livre m’a beaucoup aidé à prendre en charge certains patients et malheureusement il s’applique parfaitement au processus d’accréditation de la biologie française (libérale et hospitalière).
PS : le Dr Dupagne a aussi réalisé une autre vidéo « la revanche du rameur », qui n’a plus rien de drôle, mais qui explique très bien certains mécanismes de souffrance au travail et pourquoi un service hospitalier entier serait paralysé … si l’on appliquait à la lettre les consignes de qualité.
Vous touchez du doigt l’accréditation imposée aux laboratoires de biologie médicale. Peut-être l’avez-vous ressenti, lors de votre pratique : le laboratoire est devenu une entreprise (de boulons ? de voitures ? non, de tubes !) comme les autres, soumise à la norme ISO15189, qui ne se préoccupe plus ni du patient ni de ses soignants. Pourquoi les (syndicats de) biologistes ont-ils laissé faire cela ?
Alors oui, dans la qualité, certaines choses sont à prendre, certes. Mais l’inspection annuelle est aussi lourde (sans parler du prix de la journée d’inspection du Cofrac) que dénuée de sens – du sens premier de mission de soin et de service du labo : refuser des examens utiles parce qu’ils ne rentrent pas dans les « cases » y est quotidien…
Si vous le pouvez, ne laissez pas l’accréditation gagner les services de soin…
On ne peut qu’être profondément d’accord, et, nous, jeunes retraités, qui avons la possibilité de lever la tête du guidon (ou de l’écran de l’ordinateur…) devons alerter les jeunes sur cette réduction du métier de médecin à l’application de normes. J’ai conseillé à mes jeunes collègues de lire le très intéressant bouquin de Roland Gori: « La fabrique des imposteurs ». Il date déjà de quelques années, mais reste parfaitement d’actualité, hélas !
(Comme le dit JM Angleraud, on peut être surpris de la passivité des medecins, et autres personnels soignants dans l’hôpital: rôle de l’interface informatique qui déshumanise les relations médecin-malade comme les relations médecins-infirmières ? Ce serait à étudier.)
Le Qualiticien est un bipède qui n’a rien trouvé de mieux à faire. Heureusement, le Ministère lui a trouvé un job peinard : remplir des cases.
Le Médecin, c’est pareil. Ayant passé de longues années en Fac à apprendre l’EBM, il est maintenant armé pour protocoliser efficacement son action auprès du public.
Le plus étonnant, dans tout ça, c’est la passivité des Soignants. Aucune contestation fondamentale du bien-fondé théorique (et des dangers) de la nouvelle organisation du travail.
On trouve des plaintes dans des courriers de lecteurs de la presse médicale ; elles émanent surtout de praticiens très expérimentés, quelquefois de plus jeunes qui ont réussi à réfléchir à ce qu’on leur faisait faire…
Il y a aussi quelques malades, de plus en plus nombreux – eux, qui s’inquiètent.
Mais ça ne pèse rien pour le Pouvoir : un corps professionnel sans cohésion collective et des Syndicats croupions signant la « Convention » les uns après les autres pour toucher la subvention étatique qui achète à leur soumission : le tour est joué.
La fin du coma, c’est pour quand ?
Merci pour votre très pertinente réaction. « le plus étonnant c’est la passivité des soignants », c’est bien vrai !
les soignants c’est nous, des beaux discours mais après coup quand même
bonjour, merci pour vos articles et en particulier celui-ci auquel j’adhère en grande partie. Je suis tout à fait d’accord avec le caractère extrêmement pervers de la démarche qualité dans sa globalité, car elle réduit le soin à ce qui est mesurable et traçable, avec une terrible perte de sens pour les soignants. Cependant je ne suis pas d’accord avec l’idée de sanction. Il faut différencier l’erreur liée à un comportement irresponsable (avec une intentionnalité sous-jacente): mauvaise foi, négligence, etc, qui relève sans discussion d’une sanction disciplinaire, de l’erreur accidentelle, non fautive, qui nous arrive à tous, médecins IDE et autres et pour lesquelles quand j’en commet moi-même, je ne veux pas être sanctionné, dans la mesure où j’ai fait de mon mieux. L’analyse des erreurs est un des points peu nombreux où la qualité me semble pertinente. Concernant le travail en équipe, l’approche « qualité » du type de celle proposée par Amalberti me semble également intéressante, compatible avec notre pratique du soin les principes étant les suivants : confiance, bonne foi, partage de valeurs communes (et partage tout court) autonomie d’organisation maximale pour tous les acteurs de l’équipe dans la mesure l’intérêt du patient est préservé. C’est ce que certains appellent vilainement un « management coopératif ». Dans cette approche la qualité de la relation est prioritaire sur la procédure, la traçabilité, etc, l’argument d’autorité doit être évité (« de toute façon j’ai raison parce que je suis docteur et toi infirmière ») mais la confiance mutuelle doit permettre d’argumenter sur le fond de chaque problème posé. C’est finalement peu difficile à mettre en place dans notre milieu, l’immense majorité de nos collaborateur en équipe étant très bien intentionnés. Je ne peux pas regretter mon passage au CHU, avec une organisation féodale et des relations basées sur des rapports de forces en fonction d’intérêts personnels.
NB, je suis neurologue au ch de Montauban, et j’ai une responsabilité pour la gestion des risques.
Merci pour cette réaction qui nuance fort pertinemment mes propos un peu à l’emporte pièce…C’est la contrainte de la forme du billet, c’est pourquoi votre modération est très précieuse!
Notre côté » bon élève », totalement dressé à obéir aux ordres du « chef » nous a conduit là. Cessons de pleurer. Agissons pour ne plus être des complices des manipulateurs aux ordres d’un dictateur fictif deshumanisant. La-santé-publique.
Des vieux retraités continuent de ne pas se taire.
Merci.
Très en phase, mais pour moi je vois que la pensée, le mental, l’ego a pris le pouvoir en médecine et dans le « système de santé et non de soin ».
je ressent que
« La médecine s’est coupé du Coeur »
La réponse du coeur a, tele que je la vis, toutes les chances d’être plus juste qu’une construction intellectuelle qu’impose la pensée.
« J’ai mal ! »
« Comment avez-vous mal ? Pouvez-vous décrire votre douleur s’il vous plait ? »
Avec l’écoute du coeur la douleur s’atténue et le traitement médicamenteux ne va faire que compléter le luxe souvent oublié de la relation humaine.
merci
Merci pour ce très beau message!
Je suis arrivé dans une maternité du fond de la Normandie voici 15 ans.
Comme Monsieur Jourdain, je fus très surpris de voir que le personnel faisait de la qualité sans le savoir : personnel poli, dévoué, ne comptant pas ses heures et ses efforts pour servir le patient avec humanité. Je me disais que naturellement courtois et civiques, le personnel devait se dire que comme rien n’est anonyme par chez nous, tout le monde connaît le cousin d’untel , la boulangère, ou a été à l’école avec tout le monde, on n’a pas intérêt à se montrer incompétent ou mal-aimable.
Et la démarche qualité est arrivée : on a appris à des gens naturellement polis comment dire vraiment bonjour, comment identifier un patient qu’ils connaissent déjà parfaitement.
Le résultat ? Démotivation générale, impression de passer pour des cons, et finalement baisse de l’investissement personnel par dépit (« c’était mal comme on faisait avant ? »), et devenus eux aussi … technocrates, avec des bonjours automatiques, des cases à cocher, tracer la traçabilité etc etc. Ça m’a fait bien rire. La démarche qualité a tué la qualité propre de nos équipes, devenus des robots standardisés, automatiques, et finalement bien moins humains qu’avant.
Merci Pierre-Yves pour ce témoignage très pertinent.
Excellent article, mais je vais faire encore plus court que vous, cher confrère. A quoi sert la certification? Uniquement à assurer une emprise administrative supplémentaire sur les professionnels de santé, rien de plus, rien de moins. Est ce utile au patient? Que nenni, les soins ne sont pas améliorés pour autant, le vrai problème étant le manque de temps et le manque de personnel. Par dessus le marché préparer une visite de certification prend un temps fou, bien entendu au détriment des patients. Et ces gentils visiteurs qui nous font perdre notre temps sont rémunérés. Donc perte de temps et perte d’argent. Même chose pour la T2A : deux procédures à mettre d’urgence à la poubelle.
Bel article. Les enjeux vitaux en moins, j’observe les mêmes dysfonctionnements dans l’enseignement supérieur, difficile d' »évaluer » le travail intellectuel comme une boîte de petits pois.Quant à la fameuse réglette, à titre personnel, le 10ième qui la propose en 2 jours à une patiente atteinte d’une maladie chronique extrêmement douloureuse depuis 40 ans se voit, je l’avoue, suggérer d’en faire un usage personnel peu conforme…
Trés bonne votre analyse, c’est du lourd ! Mais comment se fait il que les décideurs en santé n’en sont pas conscient ? (je pars de l’à priori qu’ils sont de bonne foi) seraient ils alors des sots ? et qui, comment décide ? … il n’y a pas de discours qualité sur les procédures administratives et toutes les modalités administratives justificatrices !
Cet article résume tout à fait le décalage irrémédiable entre la « conceptitude » technocratique et l’art médical. En aucun cas la prise en charge de nos patients ne doit être casée et codifiée de façon rigide. Effectivement, au delà de la connaissance médicale nécessaire, il y a bien autre chose!
Vox clementis in deserto.vous sauvez l honneur de la médecine Française.Buzyn ,fille de Shoha survivor,doit vous prendre a ses côtés!
Un médecin de l’ARS convoque tous les chirurgiens exerçant dans le même département.Motif: « taux de fuite de patients avoisinant les 100% pour la chirurgie thoracique. L’ARS attend les explications » .
Sauf que il n’y a aucun chirurgien thoracique exerçant dans le département.Chercher l’erreur.
Votre article est un réconfort devant ce rouleau compresseur administratif
Je suis passé voir mon beau-frère dans un service de gériatrie. Il présente une démence sénile, et vient de se fracturer le col du fémur droit, suite à une chute. Je lui demande s’il souffre : sa réponse est: » 4, mais de quoi vous me parlez? ». Il m’a fallu un instant pour saisir qu’on avait dû lui poser la question: la douleur: de 0 à 10, vous l’évaluez à combien? La réponse aléatoire lui a valu un antalgique inutile puisqu’oublié sur le plateau-repas. Visiblement, il ne souffrait pas. Mais le personnel, quand j’ ai quitté la chambre, m’a dit être satisfait de maîtriser sa douleur…
Dr Vercoustre, peut-on vous nommer conseiller auprès de la ministre? Bien sûr que non, vous analysez avec pertinence. Et sur l’échelle de 0 à 10 pour la pertinence, devinez combien il faut pour être en haut de la hiérarchie? Question.
Ton histoire, Gérard, est très instructive, elle montre combien notre médecine avec ses protocoles, ses scores s’est coupée des patients. L’EVA a transformé le patient souffrant, en chose douloureuse et en définitive ton frère, même dément, a montré à la médecine sa stupidité.
On veut appliquer à l’hôpital et la clinique les règles de l’aéronautique, selon le discours régulièrement entendu… Mais on oublie que le pilote d’avion, en cas de défaillance, sera le premier à voir le sol juste avant le crash, et qu’il fera partie des nombreux morts… Il est donc très impliqué dans les check-lists dont sa survie dépend.
Confier la « qualité » aux administratifs penchés sur leur écran d’ordinateurs, leurs tableaux Excel, les résultats de leur Benchmarking, de la T2A… Pendant que les soignants se coltinent la douleur, l’angoisse, le désespoir, et se font engueuler par la tutelle parce que les tableaux XL ne sont pas « beaux »…
Kafka …
la qualité: normes de qualité établies par des technocrates et des procédures établies par d’autres mais dans la santé comme dans les entreprises, ça ne donne pas un travail de qualité car l’humain doit s’adapter à ces normes et pas le contraire, c’est à l’origine de plein de problèmes.
Aujourd’hui, le patient se résume à des scores.
Un exemple à cheval sur les 2 mondes: l’entreprise PIP avait des prothèses qui répondaient aux normes de qualité requises (élasticité;étanchéité…..) je le sais parce que j’ai suivi cette entreprise mais avec un produit qui n’était pas de qualité pour le corps humain, la composition étant secret de fabrication.
Les normes de qualité permettent de comparer les établissements entre eux pour des gens qui n’y connaissent rien et ça crée des emplois de technocrates, de responsable qualité……
La directive qui régit la mise sur le marché des dispositifs médicaux prévoit, entre autre, que l’Organisme Notifié doit contrôler au moins une fois par an la façon dont le fabricant choisit ses fournisseurs, ainsi que les produits achetés. Si cet Organisme avait fait correctement son travail, il aurait identifié la supercherie chez PIP, ainsi que les risques pour les patientes. On parle ici du management de la qualité qui garantit la qualité du produit.