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Le mondial, l’intello et moi! ( Merci les bleus !!!)

L’intello, ou le prétendu intello qui est en moi a beau se révolter, je n’y peux rien. La perspective de ce mondial me ravit. Les Griezmann, Pokba, Mbappe, Didier Deschamps vont faire partie de ma famille pendant les 15 jours à venir. Je lirai avec avidité dans l’Équipe les commentaires des journaux après chaque match. Mon épouse aura beau protester je regarderai tous les matchs de nos chers bleus !

Pourquoi cet enthousiasme, l’intello qui est en moi me somme de répondre ! Il me dit : pourquoi donner autant d’importance à ce qui n’est qu’un jeu. Et c’est tout de même scandaleux de voir tout ce fric qui tourne autour du foot, ces joueurs dont les salaires mirobolants dépassant ceux de chefs d’entreprise les mieux rémunérés. Ces armées de supporters déchainés au visage grimé donnent une bien triste vision de l’humanité.

Dans un grand quotidien le philosophe André Compte Spontville donnait cette leçon : « l’émulation est saine, et la victoire apporte une satisfaction que je comprends. Mais notre époque médiatique oublie que le sport n’est pas l’essentiel de la vie, n’est pas l’essentiel de la civilisation. C’est secondaire, nous accordons aujourd’hui beaucoup trop d’importance à une activité qui me semble démesurée. Des footballers sont portées aux nues pour un talent assez mineur ».

Convoquons maintenant l’intello non pour suivre sa pente naturelle, cherchons à comprendre plutôt qu’à verser dans les propos moralisants de l’intellectuel prétentieux.

Pourquoi le football nous fascine-t-il autant ? Parce que le foot chante l’enfance. Albert Camus confiait : « le stade de football, c’est le seul lieu où je me sente encore enfant ». Et, pour chacun de nous, rien n’est plus précieux que l’enfance. L’enfance c’est précisément le temps où l’on pouvait jouer, où l’on avait ce pouvoir de transmuter le dérisoire en merveilleux. Ainsi le temps d’un match nous nous évadons des vicissitudes de nos existences pour retrouver ce temps béni de l’enfance. Pendant 90 minutes nous allons vivre au raz d’une pelouse idéale. Le stade, réduit aux dimensions de notre téléviseur ressuscite ce coin, cet espace d’intimité dont l’enfance a besoin.

Quand nous chantons « on a gagné », nous faisons cette étrange expérience propre à l’enfance de perte de nos limites en nous identifiant à notre équipe. Ainsi, cette victoire ou cette défaite est autant à nous qu’aux joueurs et répand dans nos âmes bonheur ou amertume.

L’enfance c’est ce moment de l’existence où l’on vit le présent au présent. Le spectacle d’un match nous fait vivre l’instant pour lui-même, parce qu’à chaque instant, il peut se passer quelque chose, à chaque instant « on peut marquer » ! Le foot nous fait sortir de la temporalité monotone et prévisible de nos existences. Le temps d’un match, nous redonnons ses droits à l’imprévisible. Le foot permet de faire l’expérience de ce que Bergson appelait la durée, ou temps réel, par opposition au temps mathématique, ou abstrait. Le temps qu’expérimente chaque conscience ne coïncide pas avec le temps commun que mesure la montre. Tout supporter le sait : le temps ne cesse de se comprimer et de se dilater de manière surnaturelle. La séance de tirs au but est toujours un interminable supplice.

Et puis le foot c’est la vie, la vie avec sa succession de morts et de renaissances. C’est la vie même que nous sentons palpiter en nous quand nous regardons notre match. Bill Shankly, ancien entraineur de Liverpool le dit encore mieux : « Certains pensent que le football est une question de vie ou de mort. Cette attitude me déçoit. Je peux vous assurer que c’est bien plus important que ça. »

Enfin, le foot suit le mouvement du rêve, ses trajectoires désordonnées, ses incohérences, ses extases. Au service du rêve, il y a la beauté des gestes, ainsi ce coup franc parfaitement brossé de Ronaldo contre l’Espagne en pleine lucarne, tandis que le gardien accomplit sa majestueuse parade. Et ce retourné d’anthologie de Bale, suspendu un instant dans les airs comme un géant désarticulé, à la finale de la coupe de la Ligue. Pour Éric Cantona ces beaux gestes ne relèvent pas d’un art mineur : « Pour moi, un artiste est quelqu’un qui peut illuminer une pièce sombre. Je n’aurais jamais et je ne pourrais jamais trouver une différence entre la passe de Pelé à Carlos Alberto en finale de Coupe du Monde 1970 et la poésie du jeune Rimbaud. Il y a dans chacune de ces manifestations humaines une expression de beauté qui nous touche et nous donne un sentiment d’éternité ». Dans le monde de l’Antiquité grecque, les jeux Olympiques étaient considérés comme l’un des beaux-arts. Selon Hegel, dans cette époque païenne, ils occupaient même une place plus élevée que la poésie, la tragédie ou la musique…

Je salue tous les fouteux du QDM ! Le match contre l’Australie n’a pas tenu ses promesses, mais rien n’est perdu ! Rêvons que les bleus nous ramènent la coupe !

Laurent Vercoustre

13 Commentaires

  1. Désolé, Cher Confrère, même enfant j’ai détesté le football, comme tous les sports où l’on se dispute un ballon. A la rigueur cela me rappelle ces cris insupportables quand il m’est arrivé contraint d’y jouer, alors que je voulais du calme pour me concentrer et agir opportunément.
    Non, cela m’évoque de mauvais souvenirs de mon enfance. Ce n’est pas moi qui perdrait mon temps devant mon écran de télévision, que je n’ai d’ailleurs pas. La liesse du populo ne m’intéresse pas.
    Vôtre

      • la répartition de la population quelque soit le sujet: 80 % suit le mouvement (les moutons de Panurge), 10 % dirige et 10 % résiste

    • La liesse du populo se voit aussi dans d’autres lieux.( lors d’élections politiques, exemple pris au hasard, mais on peut trouver d’autres lieux).Moi, j’avais bêtement compris: enfance et jeu collectif, pour empêcher le repli sur son ego. Maintenant, dire que tout est blanc ou tout est noir, bien sûr que non.

  2. Mon cher confrère,

    D’abord, merci pour vos chroniques, que je lis régulièrement et avec beaucoup de plaisir.
    Vous venez de me réconcilier (un peu) avec le foot, et (un peu moins) avec les footeux.
    Je constate avec beaucoup d’inquiétude et de tristesse les mouvements de foule que représentent les comportements des supporters; l’effet de masse de ces groupes (de plus ou moins grand nombre) transforme des êtres humains considérés comme « normaux », civilisés, ou dotés d’un certain nombre de valeurs individuelles, lorsqu’ils sont seuls, en membres d’une horde (lorsqu’ils sont ensemble) prête à détruire tout membre extérieur à leur groupe.
    Ceci est très répandu (massacres entre tribus rivales, massacres inter-ethniques, inter-religieux, épuration de tout genre, etc…), et malheureusement continue de nos jours à de nombreux endroits de la planète. Tout membre n’appartenant pas au groupe est chosifié, déshumanisé, et sa destruction n’est alors plus un problème (moral par exemple).
    Desc gourous de tout poil exploitent ce travers comportemental.
    Je prétends que les comportements des groupes de supporters, a fortiori (trop) souvent alcoolisés, se rapprochent dangereusement de ceci.
    Et cela me fait horreur.
    Donc, je ne participe pas à l’engouement de cette grand messe collective.

    Bien cordialement,

    Dr Jérôme Lefrançois

    • Merci pour votre réaction qui pointe un aspect assez contestable du foot.D’aucun ont dit que le foot « était la guerre continuée ». Il faudrait pour aller au bout de problème convoquer Gustave Lebon médecin et psychologue social qui est la référence quand on parle de psychologie des foules et aussi Freud et son ouvrage  » psychologie de foules et analyse du moi ».Pour ces auteurs une âme de foule constitue une menace pour la civilisation.l’agrégation d’une foule occasionne une régression dans l’échelle de la civilisation, : le sentiment de toute puissance, la concession accordée aux instincts, la disparition du sentiment de responsabilité, la contagion mentale, aboutissent à la dissolution de l’âme individuelle.Cependant pour ces deux auteurs, la foule peut aussi produire le meilleur à ce point que la moralité de la foule peut être supérieure à celle des individualité isolées. Bref on peut voir dans le foot des supporters abrutis qui peuvent en venir à la violence mais aussi, dans ce mondial, un rassemblement fraternel d’individus sans distinction de race ni d’appartenance politique.

  3. Oui, le jeu est indispensable. Même les animaux jouent. Mais quand ça devient une religion, un veau d’or, comme ici le foot, quelque chose ne va plus.

  4. Ce billet apporte de la fraîcheur à travers tout ce que l’on peut lire de prétentieux. On se retrouve gamin. Et déjà deux commentaires qui font sourire. 2-0.

    • Merci Gérard j’ai apprécier le mot fraîcheur particulièrement bien choisi, c’est cette idée de fraîcheur et d’enfance que je voulais faire passer dans mon billet.

  5. Le foot c’est comme le tapin, pour gagner il faut faire des passes!

    docteur Bernard Cartier (ancien PH, retraité)

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