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Chloroquine : le point à mi-parcours

Nul doute que nous saurons un jour la vérité sur l’efficacité de la chloroquine ! On peut considérer que dans cette quête de vérité nous sommes aujourd’hui à mi-parcours.

On attend les résultats des essais randomisés de grande ampleur pour trancher le débat. Je ne reviendrai pas sur l’étude du Lancet abondement critiquée et désavouée par le journal lui-même. Cet article avait conduit l’OMS à imposer l’arrêt des essais cliniques du fait de la dangerosité et de l’inefficacité de la chloroquine.

Le mercredi 3 juin dans la soirée, on apprend que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé la reprise des essais cliniques sur l’hydroxychloroquine. Après analyse des données disponibles sur la mortalité par les membres du Comité de sécurité et de suivi, le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus a déclaré « qu’il n’y a aucune raison de modifier le protocole » des essais cliniques,

Trois grandes essais randomisés sont en cours.

L’essai européen Discovery, vaste expérimentation de plusieurs médicaments à l’échelle de l’UE, avait démarré douloureusement faute d’une coopération entre les différents pays. Ce jeudi 4 juin, les organisateurs ont déclaré qu’ils vont « envisager de reprendre les inclusions des malades du coronavirus soignés avec de l’hydroxychloroquine ».

L’éssai Recovery est le grand essai clinique national lancé par le Royaume-Uni le 23 mars. Également randomisé, il teste l’hydroxychloroquine et l’azithromycine mais également le lopinavir-ritonavir, la dexaméthasone à faible dose et le tocilizumab. Selon ses promoteurs, il comptait au 18 mai 10 211 participants dans 176 sites. A ne pas confondre avec l’essai ReCoVery réalisé à Saint-Anne pour tester l’efficacité de la chlorpromazine sur 40 patients infectés par le covid.

Enfin un essai a débuté mi-mai aux États-Unis, c’est l’essai ACTG (AIDS CLINICAL TRIAL GROUP) appelé A5395. Il est financé par l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses (NIAID), qui fait partie des National Institutes of Health, (NIH). L’essai doit recruter environ 2 000 adultes. Sont enrôlés les individus de plus de 18 ans qui ont un test positif pour COVID-19 à partir d’un échantillon de nez ou de gorge. Les patients éligibles doivent ressentir au moins l’un des symptômes suivants fièvre, toux ou essoufflement. Les participants recevront des médicaments oraux à prendre à la maison. Ceux assignés au hasard au groupe de traitement expérimental prendront 400 milligrammes (mg) d’hydroxychloroquine deux fois le premier jour et 200 mg deux fois par jour pendant six jours supplémentaires. Ils prendront également 500 mg d’azythromycine le premier jour et 250 mg par jour pendant quatre jours supplémentaires. Le groupe témoin recevra un nombre équivalent de pilules placebo. Ni les participants ni l’équipe d’étude ne sauront qui a reçu un traitement expérimental ou un placebo avant la fin de l’essai.

 Voilà donc les principaux grands essais randomisés dont on attend les résultats pour trancher le débat passionnel qui agite les médias depuis quelques semaines. Malheureusement on apprend ce jour que l’HC ne montre « pas d’effet bénéfique »  pour les malades du Covid-19, selon les responsables de l’essai clinique britannique Recovery qui ont annoncé dans un communiqué l’arrêt « immédiat » de l’inclusion de nouveaux patients pour ce traitement.

A côté de ces grands essais, il y a une multitude d’études avec des effectifs plus limités. On trouve sur internet un intéressant tableau qui récapitule les principales études :

https://quoidansmonassiette.fr/wp-content/uploads/2020/05/synthèse-hydroxychloroquine-Thibault-FIOLET-24-mai-V2-scaled.jpg

Trois études se démarquent par rapport aux autres par leur niveau de preuve intermédiaire.

Tout d’abord l’étude de Wei Tang dans le British Medical Journal. C’est une étude d’intervention randomisée avec un effectif total de 150 patients, rigoureusement scindée en deux avec 75 patients recevant de hydroxychloroquine (HC)et 75 témoins. Les patients enrôlés dans l’étude ont des formes cliniques mineurs. Les doses d’HC sont de 1200mg jusqu’à J3 puis de 800mg jusqu’à J14. L’intérêt de cette étude est qu’elle évalue la charge virale des patients. Celle-ci ne diminue pas dans le groupe traité, elle aurait même tendance à augmenter.

Seconde étude, celle de Géleris du NEMJ qui une étude d’observation avec un effectif de 1376 patients, dont 565 dans le groupe traité et 811 dans le groupe témoins. La population est composée de formes modérées à sévère. Le traitement comprend de l’HC (1200 mg à J1 puis 400mg pendant 5 jours.) La mortalité est la même dans les deux groupes.

Enfin l’étude de Rozenberg publié dans la JAMA, étude également observationnelle, avec un effectif de 1438 patients, dont 212 traités et 1217 témoins. Le traitement associe HC et azythromycine. Pas de différence non plus au niveau de la mortalité.

Ces études n’encouragent pas à l’optimisme et les résultats de l’essai Recovery ont pratiquement ruiné tout espoir. Mais attendons les résultats des deux autres grands essais randomisés avant de conclure formellement.

Voilà ce qu’on peut dire raisonnablement aujourd’hui et n’en disons pas plus. Regrettons simplement l’hystérie collective qui s’est manifestée sur les réseaux sociaux à propos de l’HC. Et retenons à ce sujet les mots de Monsieur de Talleyrand : « Tout ce qui est excessif est insignifiant. »

Laurent Vercoustre

9 Commentaires

  1. Très bon article synthétique ! Je continue toutefois à me demander si le succès éventuel de la « méthode » Raoult n’a pas résidé non pas dans la prescription médicamenteuse mais, comme dans le cas des pays qui ont eu des résultats probants, dans celle d’un testing massif avec l’isolement rapide des cas positifs…Là ne serait elle pas la vraie question ?

  2. Je m’interroge? où a-t-on caché les cadavres des milliers de morts « soi-disant eu moins » sur Marseille?va-t-on bientôt découvrir un énorme charnier clandestin dans les caves de la Timone? Car de deux choses l’une: ou il y en a vraiment beaucoup moins et ça devrait donner à réfléchir, ou la mortalité marseillaise est dans la moyenne nationale et j’en reviens mon interrogation initiale.

  3. Toutes les études dénigrant la bithérapie de Raoult (Recovery par exp) on été faites sur des malades HOSPITALISES ce qui est trop tard ( charge virale éffondrée). Le protocole Raoult s’effectue au tout début des symptomes (charge virale élevée) en ambulatoire. Comment ce peut il que ça ne saute pas aux yeux des commentateurs avertis ? L’hydroxychloroquine est un antiviral qui ne marche que quand il y a du virus dans l’organisme c’est à dire au tout début et non à l’hopital ! ! !
    Dr Boisot médecin retraité.

    • C’est toujours le même argumentaire qu’on rencontre chez les pro Raoult. Ça ne marche pas sur les formes graves, car on arrive trop tard , il fallait agir au début des symptômes. Je vous ferai remarquer que l’étude Wei Tang dans le British Medical Journal, s’adresse à des formes modérés et qu’elle ne montre aucun effet de l’HC sur la charge virale.

  4. cher collègue gynéco en retraite , vous avez comme moi vécu l’obstétrique des années 70/80 et celle de maintenant..Ce que dit , ce que soulève le Pr Raoult , c’est l’immense difficulté que l’on a de prendre en charge un patient dans la situation où cette prise en charge n’est pas strictement protocolisée et ceci de façon amplement détaillée par des essais cliniques irréprochables ..Prenons l’exemple de la prise en charge d’une patiente présentant une présentation du siège…On est passé en 40 ans à tout et son contraire: pour finir par proposer deux prises en charge , la césarienne d’emblée à 39 SA ou la tentative de VB ..en laissant le choix à la patiente , en lui faisant signer un consentement éclairé et donc en la laissant choisir entre la peste et le choléra..Comme si , du fait de la judiciarisation de la pratique médicale , nous n’étions plus capable de traiter , dans tous les sens du terme.Ce que dit le Pr Raoult , c’est qu’il faut d’abord traiter , dans le colloque singulier qui nous lie au patient , « comme si vous étiez ma fille  » et « avec le traitement que je crois juste » .Ce qu’il dit c’est que l’on doit s’affranchir , comme nous le faisions jadis , de toute crainte d’action en justice en cas d’echec ou d’autres…Ce qu’il dit c’est que nous devons revenir aux fondamentaux éthiques pour lesquels nous avons été formés et sur lesquels nous avons prêté serment…Ce qu’il dit c’est que la pratique d’éssais cliniques en double aveugle est contraire à l’éthique médicale occidentale de droit romain puis plus tard renforcée et survéillée par l’ Eglise Catholique , éthique dont on se rend bien compte qu’elle est à mille lieux de celle qui nous vient du monde médical anglo-saxon de culture protestante…Car sinon , comment expliquer que le corps médical US s’accommode bien volontiers des principes du marché de la santé alors que 40% de sa population n’a pas d’accès libre aux soins ? Ce que dit le Pr Raoult , c’est que nous devons tout simplement réfléchir à ce que nous faisons…

    • Désolé de ne pas adhérer au pseudo humanisme du colloque singulier. Soigner un malade comme « si c’était sa fille » c’est prendre le risque de faire une bien mauvaise médecine. Maintenant ce que vous dites sur le siège est parfaitement exacte. Mais là on est dans le cadre d’une pratique et non d’un médicament. Je crois que l’éthique c’est se donner l’exigence de la vérité. L’HC ça marche ou ça ne marche pas et pour le savoir il faut une étude faite dans les règles de l’EBM

  5. Malheureusement beaucoup « de mauvaise foi » dans beaucoup de ces essais
    1/ Essais sur des patients hospitalisés qui ont déjà des signes respiratoires dont on sait maintenant qu’ils sont liés à l’atteinte vasculaire secondaire à l’emballement immunologique similaire à ce qui est observé dans les maladies auto-immunes..
    2/ Essais avec des doses trés élevées d’HOC alors que dans le protocole Raoult il n’est que de 400 mg par jour
    3/ Sélection des patients alors que dans le protocole Raoult tout le monde est traité sauf les enfants.
    Comme le dit Jean Michel Apathie qui n’est pas du tout un pro-raoult, la communauté scientifique médicale a failli , car elle a été incapable de faire jusque là une étude randomisée dans les mêmes conditions de Didier Raoult. La plupart des scientifiques « de plateaux télés » était plus dans une posture de concurrence médiatique que dans une posture scientifique… Raoult a bien sûr beaucoup de travers dont une certaine tendance à la mégalomanie mais il a eu le mérite d’avoir percuter la collusion de certains experts scientifiques avec les cercles des pouvoirs, médiatique, politique et industriel …
    Nous avons donc tous assisté à cette guerilla médiatique du rebelle contre la pensée mainstream… Un trés vieux remake des légendes du passé qui en fait nous mobilise émotionnellement trés fort. Nous avons tous en nous un parent sérieux qui suit la doxa sociétale mais aussi un enfant, farceur et créatif qui n’obéit qu’à ses désirs et nous basculons donc entre ces deux pôles à la recherche de la vérité.
    Actuellement les scientifiques ont du mal à comprendre que ce n’est pas que la vérité scientifique du corps biologique qui importe, mais également plus profondemment la vérité de l’être…
    Un médicament peut guérir quelquefois parce que le patient et le médecin y croit, c’est ce que l’on appelle l’effet placebo du médecin qui se prescrit lui même comme un médicament ( Balint ; le médecin, le malade et la maladie )
    L’HOC + AZM auront-ils une efficacité biologiquement reconnue ?
    Ce qui est certain, c’est que les patients malades attendent de leurs médecins, qu’ils les soignent et assez souvent avec des médicaments ou d’autres outils dont la parole… Renoncer à cette fonction essentielle du soin est une désertion médicale inacceptable !

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