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Alice Desbiolles au Sénat : le procès du pass vaccinal (1)

Franchise et pondération, c’est sur ce ton qu’ Alice Desbiolles médecin de santé publique répond aux sénateurs tout au long de son audition sur le thème : « adéquation du pass vaccinal évolution de l’épidémie de Covid-19 », le 8 février dernier. Cette commission sénatoriale est en charge de contrôler l’action du gouvernement dans la mise en place du pass vaccinal. Ses travaux ont commencé depuis début février et elle dispose de six mois pour rendre ses conclusions.

Alice Desbiolles défend avec brio pendant près de deux  heures une politique sanitaire rigoureusement opposée à la doxa officielle. Pour restituer la richesse de ces deux heures d’échanges, un billet  ne suffira pas. C’est pourquoi je vous promets un second billet sur cette remarquable audition.

Interrogée d’abord sur la qualité des données, elle reconnait qu’il y a eu une mise à disposition quotidiennes via l’open data depuis le début de l’épidémie notamment grâce au travail de santé publique France, de la Drees et de l’application tous anticovid. Elle relève néanmoins des points négatifs comme l’absence de données sur les enfants en réanimation, et également le fait que 30 %  des hospitalisations sont des hospitalisations avec Covid et non pour Covid, et que ce chiffre peut grimper à 50 % dans la tranche d’âge des 20 -39 ans. Par ailleurs le niveau de tension en réanimation est artificiellement surestimé, il additionne en effet les patients en soins continus, en soins critiques et en réanimation pour les rapporter aux seuls lits de réanimation. Le surpoids qui est une comorbidité importante n’est plus noté. Elle fait état aussi d’un rapport de l’APHP qui révèle que la plupart des déprogrammations n’ont pas été dues aux patients non-vaccinés, mais aux départs massifs de personnels soignants.

« Est-ce que il y a d’après vous des données probantes qui pouvaient soutenir l’introduction du pass vaccinal en décembre dernier ? » interroge une sénatrice. La question de fond est tombée dès le début de l’audition.

« À ma connaissance il n’existe aucune étude de bonne qualité avec un fort niveau de preuve, au regard de l’intervention qui s’applique en population générale,  qui démontre une efficacité  quelconque de ce pass vaccinal. Il est très important de préciser les données dont nous disposons sur le vaccin cominarty de Pfeizer qui est le vaccin le plus distribué.Ces données révèlent que le critère de jugement  principal dans les essais randomisés de Pfeizer ne portait pas sur la capacité ou non de bloquer la transmission, ni sur les formes graves, ni sur le risque d’hospitalisation ou de décès . Le critère de jugement principal dans les essais Pfeizer était le nombre d’infections symptomatiques confirmées par un test PCR positif.(1)

Le verdict d’Alice Desbiolles est tombé : pas de rationnel scientifique pour justifier le pass sanitaire. Et elle déroule ensuite  un argumentaire serré.

Les données observationnelles en vie réelle montrent que plutôt que la stratégie aveugle du pass sanitaire, le ciblage des personnes à risque est plus efficace en terme de prévention des formes graves et de la mortalité. Alice Desbiolles rappelle que la HAS dans son avis du 23 décembre 2020 sur la stratégie de la vaccination contre le covid recommandait la vaccination uniquement aux catégories à risque de formes graves pour lesquels la balance bénéfice risque individuelle favorable était clairement établie.

Par ailleurs, s’agissant des populations les plus vulnérables, en particulier les personnes âgées, cette stratégie a été un échec. La France présente la couverture vaccinale chez les sujets âgés la plus faible d’Europe. Celle-ci est de 100% en Irlande chez les plus de 70 ans, de 94% en Finlande chez les plus de 80 ans et de 100% au Portugal et au Danmarck chez les plus de 80 ans. (2) Bref la stratégie pertinente n’est pas le pass vaccinal mais  la protection des sujets à risque qui présentent des comorbidités notamment le surpoids et l’obésité. Aller à la rencontre des plus fragiles, se déplacer en zone rurale chez les sujet âgés, vers ceux qui sont le moins connectés répond à une stratégie plus efficace qu’une vaccination de masse.

L’objectif principal de ce pass sanitaire est la sécurisation voir la sanctuarisation des lieux publics. Or l’étude de l’Institut Pasteur du 23 mai au  2 août 2021 retrouve une augmentation de plus de 90 % de contaminations dans les bars et de 240 % dans les boîtes de nuits.

Quand une sénatrice lui pose la question de la vaccination des enfants on sent une certaine révolte gronder chez Alice Desbiolles. Il est évident qu’ayant démontré l’inefficacité du vaccin sur la transmission du virus, la vaccination généralisée des enfants n’a plus aucun sens, car à titre individuel la balance bénéfice risque est notoirement défavorable. Au passage  Alice Desbiolles  s’en prend aux masques chez les enfants pour les quels on ne dispose d’aucun argument scientifique, pas plus dit-elle que pour le confinement et d’énumérer tous les sévices dont sont victimes les enfants dans ces circonstances.

Enfin Alice Desbiolles décrit le phénomène de pression de sélection sur les variants qui peut conduire à un échappement vaccinal. Si la vaccination s’étend à de large population qui n’en a pas besoin au regard de leur risque, le danger est d’entrainer une pression de sélection et la mise en circulation de variants dans de vastes populations de vaccinés. C’est pourquoi pour parer à ce phénomène, comme il convient de limiter la prescription d’antibiotiques pour éviter les  résistances, il faut avoir un usage mesurée de la vaccination et la réserver aux personnes à risque.

Surprise et désarroi du côté des sénateurs, le discours d’ Alice Desbiolles est aux antipodes de ce qu’ils avaient entendu. La veille encore le docteur Jean-François Delfraissy leur tenait un tout autre langage  sur la vaccination des enfants. Qui croire demande l’un des sénateurs?

Certainement pas la doxa officielle. Cette crise du Covid aura été depuis le début  l’occasion d’une crise de la science médicale. Nous en reparlerons dans mon prochain billet.

(1) A noter qu’un essai randomisé par appariement réalisé par la Mayo clinique en juillet 2020 trouvait une efficacité vaccinale de 42%.

(2) Données de European center diseases control.

Laurent Vercoustre

9 Commentaires

  1. Ce blog est-il une réserve de médecins « normaux », des vrais médecins qui exercent leur esprit critique et réfléchissent de façon rationnelle? je suis épatée par l’unanimité des commentaires, peu nombreux certes, mais la petite lueur d’espoir est là. Les médecins autour de moi, notamment dans ma famille, semblent avoir perdu les qualités ci-dessus… Merci pour ce billet et ces commentaires.

  2. Il est bon de reparler du Dr Desbiolles. Trop pertinente, elle a été, je trouve, mise aux oubliettes. Merci, Laurent, de mettre en lumière son intervention. Elle a raison, et cela gêne. Parce qu’elle prouve, non pas que les politiques et les médecins se sont trompés, mais qu’ils ont trompé sciemment une population, docile car apeurée. Et c’est bouleversant. Comment en sommes-nous arrivés là, à cette médiocrité intellectuelle. Il faut s’interroger.
    Merci pour ton billet.

  3. Il est clair que la propagande sur le sujet ne facilitait pas l’esprit critique.
    Malgré tout, il était clair, très tôt que la stratégie suivie était mauvaise, en particulier la vaccination généralisée et le pass sanitaire puis vaccinal.
    A ce propos, c’est le Quotidien du médecin que je pointais du doigt pour son soutien « sans faille » aux mesures gouvernementales ».

  4. Bravo pour ce compte-rendu de l’intervention du docteur Desbiolles qui remet beaucoup de pendules à l’heure… Il faut impérativement regarder son intervention qui est tout simplement remarquable !

  5. L’intervention de notre consœur au sénat est en tout point remarquable.
    C’est sans doute la raison pour laquelle elle a été peu médiatisée.

    En effet, démontrer l’ineptie de la stratégie gouvernementale pour lutter contre l’épidémie du Covid est très « dangereux » pour ce qui s’y risque.
    Il faut se soumettre aux autorités et non les contester, telle est la règle dans notre « démocratie » aujourd’hui.

    Rapporter cette intervention de MMe Desbiolles dans un blog d’une publication qui a tout au long de cette pandémie soutenue les mesures gouvernementales est courageux .

    C’est pourtant une nécessité de garder son indépendance et de l’exprimer comme l’a fait Mme Desbiolles.
    L’article 5 (article R.4127-5 du code de la santé publique) du code de déontologie médicale l’exprime : « Le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit. »
    Mais qui s’en soucie vraiment aujourd’hui?

    Merci pour cet article et vivement le prochain

    • Merci pour votre réaction.Vous dites « dans un blog qui a tout long de cette pandémie soutenu les mesures gouvernemental ». C’est vrai j’ai soutenu la vaccination et le pass vaccinal. Je le regrette mais à cette époque je n’avais pas cette appréhension de la maladie que nous donne Me Desbiolles. J’avais pour référence un modèle simpliste.

      • Comme quoi, cher Dr Vercoustre, il faut parfois lire ce que publient ceux qu’on appelle les médecins ou chercheurs « complotistes »
        Voir par ex; :https://crowdbunker.com/v/6GQSaZ41International Covid Summit – Session de Marseille
        Dans tous les cas, j’ai apprécié votre article, mais bon, à défaut d’être « inoxydable » je suis « personne », un anonyme dans la foule des info/toxiqués.

        • Heureux de vous retrouver cher Inoxidable. Le lien vers la video que vous m’avez donné tombe sur cette video n’existe pas, elle a sans doute été censurée

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