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Provax et antivax (2) C’est la guerre !

 “Et la balle dans la tête que je vais te mettre, tu vas l’arrêter comment ?” Voilà des mois que les répondeurs de chercheurs, de scientifiques, de généralistes et de spécialistes sont pilonnés par des messages qui parfois comme celui-ci vont jusqu’à la menace de mort. Ces messages, ils disent en recevoir au quotidien, “un nombre faramineux”. Des antivax aussi agressifs, on n’avait jamais vu cela. Mais ce n’est pas de ces antivax fanatiques, pâtures des médias, dont je parlerai dans ce billet. Tant il est vrai que tout au long de l’histoire des mouvements antivax, les militants les plus extrêmes ont toujours été les moins nombreux. Ce sont les hésitants qui m’intéresse ici. Car ce sont précisément ces hésitants qui représentent le principal obstacle à la vaccination. 

En 2019, l’Organisation mondiale de la Santé a classé l’hésitation vaccinale parmi l’une des 10 principales menaces pour la santé dans le monde. Elle a créé un groupe stratégique consultatif d’experts (SAGE, Strategic Advisor Group of Experton Immunization).  Le SAGE a défini l’hésitation vaccinale en 2015. « Par hésitation à l’égard des vaccins, on entend l’acceptation ou le refus des vaccins malgré la disponibilité des services de vaccination. » Patrick Peretti-Watel et Pierre Verger chercheurs à l’INSERM proposent une autre définition que celle de l’OMS, et qui repose sur la confiance. Il s’agit selon eux d’un « processus de décision influencé par la confiance que les personnes placent dans les autorités de santé et la médecine classique et leur degré d’engagement dans le « santéisme ». Le santéisme (décidemment on adore aujourd’hui fabriquer des mots nouveaux) est la propension à contrôler ses comportements de santé pour augmenter son espérance de vie, en utilisant les informations officielles sur la santé ».

Cette hésitation vaccinale a de multiples causes. L’une d’elles mérite d’être discutée. L’obligation vaccinale peut paraître à certains égards en contradiction avec « la loi Kouchner » du 4 mars 2002 qui institue la possibilité de donner à toute personne le choix de refuser des soins. Cette loi est dans le prolongement de la notion de consentement éclairé introduite dans le Code de déontologie médicale en 1988. « La loi Kouchner » garantit aux patients une large autonomie face aux médecins. Il y a là une véritable émancipation du patient vis-à-vis du corps médical qui contraste singulièrement avec le pass sanitaire.

Dans cette crise du Covid, l’autre grand facteur de l’hésitation vaccinale est la remise en question de la vérité scientifique et ce d’autant que les désaccords entre les scientifiques ont été amplement médiatisés. La part de ces hésitants dans la population française est estimée à 40%. Une étude publiée en 2016[1] compare l’hésitation vaccinale dans 67 pays en interrogeant plus de 65000 personnes. Cette étude conclue qu’en moyenne l’Europe est la région du monde la plus hésitante.

Voyons maintenant l’impact des réseaux sociaux sur ces hésitants. On sait que ces réseaux sociaux offrent une grande liberté d’expression et jusqu’à une époque récente, bénéficiaient d’une absence quasi-totale de contrôle des informations qu’ils véhiculaient. Une étude publiée en 2020 dans Nature a analysé les messages antivax échangés sur Facebook d’environ cent millions d’usagers. Les messages ont été classés en trois groupes : « indécis », « provax », «antivax ». Ce sont encore les indécis qui se révèlent les plus nombreux, avec cinquante millions de pages. Et fait marquant, ce sont eux qui se montrent les plus actifs pour aller chercher l’information. C’est ainsi qu’ils s’exposent à se laisser influencer par des sites antivax qui véhiculent des fake news et toutes sortes d’informations mensongères. « Le faux est susceptible d’une infinité de combinaisons ; mais la vérité n’a qu’une manière d’être » écrivait déjà Rousseau en 1750[2].

La crise du Covid a été l’occasion d’une avancée scientifique considérable avec la mise au point de vaccins issus de procédés génétiques. La radicale nouveauté de ces vaccins a favorisé la prolifération de craintes souvent infondées. Parfois ce sont des scientifiques de haut niveau qui essaiment des théories erronées. C’est le cas de la généticienne Alexandra Henrion-Caude. Les hésitants sont souvent victimes de l’effet Dunning et Kruger. Ces deux psychologues ont décrit un biais cognitif qui se manifeste par l’illusion de connaissances. Lorsque nous commençons à acquérir une certaine compétence sur un sujet, un pic de confiance injustifiée s’installe et nous surestimons nos capacités à en débattre. L’illusion de connaissance explique l’existence de prétendus experts qui contestent la parole de scientifiques qui ont passé leur carrière à travailler sur le sujet en question.

On peut se demander d’où vient que la méfiance à l’endroit des vaccins se soit installée dans un monde par ailleurs médicalisé dans toute son épaisseur. Depuis son origine jusqu’à nos jours, la vaccination est demeurée dans le champ de la médecine un domaine à part, où chaque époque a été le théâtre de mouvements contestataires.

Avec la crise de la Covid, la vaccination se trouve dans un contexte radicalement nouveau : elle est sous haute surveillance. Jamais dans le passé elle n’avait été l’objet d’un tel battage médiatique et d’une prolifération d’études visant à évaluer son efficacité. Michel de Lorgeril chercheur au CNRS a consacré pas moins de 9 ouvrages à la vaccination.  Ce qui revient constamment à la lecture de ses ouvrages, c’est le niveau de scientificité très faible des études qui ont encadré la vaccination dans le passé.


[1] Larson H. J., de Figueiredo A., Xiahong Z.,  Z.Schulz W. S., Verger P., Johnston I. G. et al. » The State of Vaccine Confidennce 2016 : global insights through a 67-67 country survey », art. cité.

[2] Rousseau J.-J., Discours sur la science et les arts.

Laurent Vercoustre

12 Commentaires

  1. Bonjour,
    Maigre débat ; nous sommes pourtant dans le vif du sujet qui déchaîne autour de nous une guerre de religion. Je dis bien de religions car l’opposition se fait entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas, sans compter ceux qui croient ne pas croire et ceux qui ne croient pas croire tant notre serpent médiatique se mort la queue. Y a-t-il une vérité? qui est dans le vrai?
    Que savons nous réellement?
    Les vaccins représentent une avancée majeure dans la santé humaine, un exemple : quand j’ai passé le Bac en 1952, la population totale de l’Afrique « noire » était stabilisée autour de 200 millions, soit le Brésil de nos jours. Les conditions d’hygiène et de nutrition n’ayant guère changé et l’insécurité ayant augmenté, cette population a bondi à 2 milliards avec comme sule explication, les vaccins,un peu de pénicilline et successeurs, du DDT et succ.
    Les vaccins antiviraux ne datent que de la guerre 39/45 et le vaccin antigrippal sur œuf de poule embryonné est à ma connaissance le premier.
    Actuellement, c’est à une vraie révolution que nous assistons avec un passage du biologique à une industrie génétique.
    Mais « ça vient de sortir » et si c’est probablement l’avenir, il est tout à fait raisonnable de s’interroger sur les voies choisies aujourd’hui parmi les nombreuses offertes par cette révolution.
    L’opacité entretenue plus ou moins sciemment sur les méthodes industrielles, les pratiques commerciales, les études, les éventuelles complications, si elle ne touche pas les « croyants » n’est pas de nature à rallier les « non croyants » ni même les sceptiques. Et ce n’est pas l’ambiance de guerre de religion qui peut améliorer cela.
    L’opacité, le secret, favorisent grandement les rumeurs, les fakes et autres légendes. Quand on ne vous dit rien, vous avez le droit de tout croire.
    Alors, pour ma part, je pense sincèrement que les nouvelles techniques d’obtention des vaccins sont l’avenir. Mais je pense également qu’au présent, elles ont à mûrir, ce à quoi l’ambiance passionnée et non rationnelle du moment que nous vivons depuis bientôt 2 ans ne se prête pas.
    Plus de logique, moins de passions et laisser les statistiques être ce qu’elles sont, rendaient service à tout le monde.

  2. Bonjour monsieur
    Quel chemin curieux que le vôtre depuis notamment le 20 décembre dernier (comparaison France Allemagne) où vous insistiez chiffres à l’appui sur l’importance des soins préventifs pour limiter la propagation et la létalité de cette forme de covid, votre article 15 jours plus tard où vous alertiez sur les effets secondaires graves du vaccin Pfizer et 10 fois plus nombreux que les vaccins contre la grippe (cf citation plus bas mais article complet à relire), vos blogs récent sur la « vraie » liberté-fraternité » (condamnant clairement « les autres »..) et ce nouveau blog de septembre 2021 où vous témoignez de votre incompréhension envers les 50% d’indécis que vous jugez manipulés ! Les indécis trouvent pourtant leurs motifs précisément dans l’absence d’articulation logique de vos blogs qui au final s’avèrent contradictoire, tout en taclant au passage des « théories erronées » que vous ne prenez pas la peine d’énoncer, comme celles de Mme Henrion-Caude. Mon souhait comme celui de bien d’autres citoyens Libres, Fraternels et chercheurs d’Egalité est simple : pourriez-vous svp nous proposer un prochain blog de synthèse « traversante » de vos propos depuis un an en y ajoutant peut-être une réflexion sur la liberté de prescrire ? Cette demande est sincère . Merci d’avance.
    extrait de votre blog du 9 janvier
    « De tout ce qu’on peut lire ou entendre dans les médias, on a le sentiment que l’importance de ces effets indésirables est sous-estimée. Revenons à mon nombre de sujets à vacciner pour éviter un cas de Covid-19, soit 140. Compte tenu de leur fréquence, on peut déduire qu’on observera 3 à 6 cas de réactions sévères au vaccin pour un cas de Covid-19 évité. Ce nombre n’est pas négligeable d’autant qu’il est le prix à payer pour éviter un cas de Covid-19 qui dans la tranche d’âge 18-55 ans a toutes les chances d’être une forme bénigne. Autrement dit, dans le cadre de cette étude, il apparaît que la vaccination induit de 3 à 6 syndromes grippaux pour en éviter un ! » fin de citation

    • Merci doublement pour votre réaction.D’abord parce qu’elle témoigne que vous me lisez régulièrement. Ensuite parce que vous avez raison : les prises de position de mes billets sont parfois contradictoires.Ce qui permet de m’expliquer. Nous traversons un période trouble où il est bien difficile d’accéder à la vérité scientifique. C’est pourquoi il m’est arrivé changer d’avis, mais au fond de moi je reste dans le doute. Je me suis expliqué avec un autre lecteur sur ce doute.Le philosophe et physicien Etienne Klein distingue la science et la recherche. La science c’est ce corpus de connaissances qui ont été acquises et qui ne sont plus contestables.Plus personne ne pense que le terre est plate.Tout le monde considère que l’atome existe.Dans la question qui nous intéresse personne ne conteste que c’est un coronavirus qui est responsable de la maladie Covid-19,et personne ne remet en question le séquençage de ce virus.Pour le reste nous sommes dans une période de recherche et dans cette période de recherche seul le doute est permis. Le doute est le moteur de la recherche, il est consubstanciel à la recherche. Par ailleurs la temporalité de la recherche exige des cycles beaucoup plus longs pour aboutir à des vérités incontestables.Enfin les outils scientifiques que nous utilisons pour évaluer l’efficacité des vaccins par exemple sont des outils statistiques. Cette approche statistique des phénomènes est moins robuste que d’autres approches utilisées dans les sciences expérimentales. Tout cela serait développer plus longuement et en définitive vous m’avez donné l’envie de consacrer un billet à toutes ces questions.

  3. Si on considère que rien ne doit être au-dessus de la liberté de choisir ou non un traitement médical et que rien ne peut justifier de limiter els déplacement de quelqu’un en fonction de ce refus, cela signifie alors qu’il serait légal de se savoir infecté par une quelconque maladie contagieuse et de ne rien faire pour éviter sa propagation. Cela signifierait alors que la liberté individuelle de choisir ou non un traitement est supérieur à la liberté d’autrui de ne pas se faire contaminer par des maladies potentiellement mortelles. Donc la liberté de choix de l' »individu serait supérieur à l’intérêt de quiconque. En suivant ce raisonnement plus aucune notion de protection légale ne semble possible puisque la volonté d’un seul individu primera toujours sur l’intérêt d’un groupe d’individus. Refuser la vaccination obligatoire, lorsque elle vise à protéger l’ensemble de la population de la contamination et de la mort, pourrait donc revenir à choisir l’anarchie et tout ce qui s’en suit ? Il me semble peu probable que les majorité des gens refusant la vaccination soient de cette trempe là… Donc ils doivent penser que la vaccins est inefficace ou que la maladie n’existe pas logiquement ? Si l’une des deux hypothèses est vrais (ou les deux) cela signiferait qu’un nombre incroyable de personnes seraient dans la confidence de cette potentielle supercherie dès lors. Comment serait-il possible que des millions de gens à travers le monde puisse garder secret les preuves d’un tel complot potentiel ? Et pourquoi ceux qui dénoncent de tels complots sont totalement incapables d’apporter des éléments qui puissent résister à un examens un tant soit peu rigoureux ? Il semble donc extremeent probable que la pandémie existe bien ET que le vaccin soit bien une mesures qui aidera à la contrôler. Donc refuser la vaccination en évoquant le droit de choisir ou non un traitement alros qu’il s’agit d’abord de protéger l’ensemble de la population ne semble pas légitime au regard de la loi et encore moins de la morale. Tout au moins jusqu’à preuve du contraire : avec les éléments que l’ont a aujourd’hui, c’ts ce qu’il est logique de conclure si on fait preuve d’honnêteté intellectuelle.

    • Quel complot ?

      Sur les 4 vaccins délivrés en Europe à partir de janvier 2021, 2 ne sont plus inoculés en France, et un troisième vu sa prescription réduite (jusqu’à peut-être sa suspension totale).

      Le dernier vaccin qui reste doit faire l’objet d’un rappel 6 mois après la vaccination complète car son efficacité s’effondre au bout de 5 mois – l’efficacité contre les formes graves, et, pour ce qui est de la contamination, c’est seulement au bout de 3 mois.

      Tout cela est très officiel, publié dans des articles scientifiques reconnus au point que les pouvoirs publics en ont pris bonne note (par exemple le CDC américain ou les autorités sanitaires israéliennes pour la 3e dose et la contamination ; la France pour la suspension de l’AZ et du Johnson en raison de leur dangerosité).

  4. Antivax, supporters de foot, motards, … ce sont des masques et derrière ce ne sont pas des personnes qui ont des convictions, ce sont des paumés, des aigris, des violents, des testotéronés, des fumeurs dont on ne sait quoi, bref tout un tas de gens qui pâtissent et nous font pâtir de la grande misère de la psychiatrie.

    • Ne pas oublier, tant qu’à faire, dans cet amalgame, les Illuminati, les Rosecroix, les Neotempliers, les Satanistes,les tueurs en série, les pédophiles, les féminicides, les infanticides, les fous furieux sanguinaires en général.
      En ais-je oublié?

    • Il semble que celui ou celle qui signe avant de se faire vacciner atteste des son « consentement ».
      Certains conseillent d’inscrire une mention complémentaire à ceux qui sont obligés, de fait, de se faire vacciner

    • La loi kouchner ne parle que du droit de refuser des soins qui concernent uniquement votre seule santé. Cala ne s’applique pas si cela peut affecter la santé des autres.

        • Bonjour,
          Vaccin obligatoire sous peine de perdre son travail,
          Comment faire confiance à ceux qui nous disent que ce vaccin c’est pour notre bien et le bien de tous, quand, ces mêmes nous obligent à donner un consentement, en présence de contraintes physiques et psychologiques, si on n’accepte pas l’injection. !
          Cela ne s’appelle t-il pas un consentement vicié, une cruauté morale qui pose un énorme problème ?
          (Site Améli : « Le consentement doit être recueilli au préalable et tracé dans le dossier médical de la personne vaccinée »)

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