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Alice Desbiolles au Sénat : le procès du pass vaccinal (2)

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Je reviens avec ce second billet sur l’audition d’Alice Desbiolles Simplement parce que son intervention au Sénat se démarque du concert des péroraisons habituelles, et nous offre  à travers un discours solidement argumenté une autre vision de la covid-19.

Je voudrais restituer cette audition selon trois axes.

D’abord le rationnel scientifique.

J’en ai parlé dans mon précédent billet, il s’agit donc d’un bref rappel. Alice Desbiolles montre que ce virus n’est pas un bon candidat à la stratégie du pass vaccinal. Et ceci pour deux raisons. D’abord parce que le vaccin n’empêche pas la transmission du virus. Les  essais cliniques de Pfeizer  n’ont pas cherché à répondre à cette question.  Aujourd’hui la plupart des études montrent que cette capacité tourne autour de 50% et diminue très rapidement. Ensuite parce que l’immense majorité des populations présente des formes bénignes. C’est donc sur des populations susceptibles de faire des formes graves du fait de comorbidités qu’il faut cibler la vaccination. L’efficacité de cette stratégie est bien étayée par des études comme Epi- Phare [1].En définitive la politique du pass vaccinal ne répond pas au génie propre de cette maladie que l’on classe aujourd’hui dans les syndémies. Qu’est-ce qu’une syndémie ? C’est, nous explique Richard Horton[2], la rencontre entre une maladie virale provoquée par le Sars-Cov2 et un ensemble de pathologies chroniques, telles que l’hypertension, l’obésité, le diabète, les troubles cardio-vasculaires, le cancer…Ajoutons à cela que toute politique qui viserait l’éradication de la Covid-19 est vouée à l’échec du fait qu’elle est aussi une zoonose  c’est à dire qu’elle dispose d’un réservoir animal. Le vaccin n’est pas cet agent providentiel que l’on attendait. Il ne faut d’ailleurs pas espérer en trouver, le destin de ce virus est de subsister de façon endémique.

Alice Desbiolles insiste sur la grande fragilité de la rationalité fondée sur la modélisation. Elle rapporte les travaux de deux polytechniciens qui ont examiné rétrospectivement les modélisations de l’Institut Pasteur, de l’INSERM et de l’Impérial collège pendant la crise de la Covid. Sur onze modélisations seules deux s’avéraient concordantes. Pour la Suède, qui n’a pas confiné pendant la première vague, on s’attendait à 90 000 décès. La réalité a été tout autre, il y a eu moins de 10 000 décès. Pour Alice Desbiolles  les modélisations n’apportent pas un niveau de preuve suffisant pour justifier la mise en place d’intervention de santé publique à fort impact.

Ensuite l’éthique.

Alice Desbiolles fait référence au serment d’Hippocrate: « Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté sans aucune discrimination selon leur état ou leur conviction. » Le pass sanitaire est en contradiction avec le serment d’Hippocrate.

Dans le même esprit, elle rappelle la loi Kouchner de 2002 dont on va fêter les 20 ans. L’article 36 du code de santé  publique prévoit que tout patient après une information loyale doit pouvoir donner son consentement libre et éclairé sur ce qu’il estime sa balance bénéfice risque. Le pass vaccinal se présente pour elle comme une régression du droit des patients, il met en péril la relation médecin-patient. J’avais traité cette difficile question  dans deux billets en me référant à Montesquieu [3]. Je plaidais pour l’obligation vaccinale, sur l’argument que le vaccin était un vaccin altruiste et stoppait la transmission. On sait aujourd’hui que le vaccin n’a pas cette vertu. Dans ces conditions une obligation vaccinale n’a plus de sens et constitue une réelle atteinte aux libertés fondamentales.

Enfin Alice Desbiolles fait état d’un document de l’OMS qui soulignait la perte de confiance des populations à l’égard des scientifiques et des politiques. Elle rappelle à cette occasion que l’hésitation vaccinale constitue pour l’OMS l’une des principales menaces pour la santé publique. Et le pass vaccinal, selon une étude de l’INSERM, augmente l’hésitation vaccinale des personnes qui ont été vaccinées alors même qu’elles se seraient faites vacciner sans ce dispositif.

La question du pouvoir.

Ce pouvoir a un nom, c’est le biopouvoir. Dans son cours au Collège de France du 17 mars 1976, Michel Foucault élabore le concept de biopouvoir et le définit comme « la prise en compte de la vie par le pouvoir », voire même comme « une étatisation du biologique ». Ce biopouvoir  a pris une place de plus en plus grande avec la crise de la Covid-19 .

Tentons d’en faire la généalogie. Comment s’articule ce Conseil scientifique avec notre système de santé ? À dire vrai , notre système de santé  a une architecture particulièrement complexe. Il est, en premier lieu, dyarchique, il repose en effet sur deux piliers distincts, d’une part le secteur hospitalier sous la tutelle de l’État, d’autre part la médecine de ville régulée par la Sécurité sociale. Il en résulte un cloisonnement de l’offre de soins. Par ailleurs, la gouvernance à la tête de chacun de ces piliers est éclatée. Du côté de l’État, le ministère de la Santé est en effet lui-même divisé en quatre directions[4]. S’ajoutent à ces directions 18 organismes dont les plus connues sont la HAS, l’Agence nationale de la sécurité du médicament et l’agence de biomédecine. À ces 18 organismes s’est adjoint le Conseil scientifique créé le 11 mars 2020 par Olivier Véran. Il est indépendant et donne des avis sur les mesures à prendre pour lutter contre la pandémie. On est en droit de se demander comme Alice Desbiolles pourquoi des agences déjà existantes, comme Santé publique France, la HAS,  le conseil Haut conseil de la Santé Public n’ont pas été sollicitées pour conduire une politique sanitaire. Cette organisme a sans doute bénéficié pour s’imposer du soutien d’Olivier Véran mais aussi de la dispersion du pouvoir en une multitude d’ organismes. Paradoxalement l’architecture de notre système de santé est à la fois éclatée en des myriades d’organismes mais il est aussi vertical. Le pouvoir du Ministre de la santé sous l’influence du Conseil scientifique s’exerce sur l’ensemble du territoire à travers une administration déconcentrée. Ce secteur de notre système reste dominé par l’état d’esprit du début de la Ve République. Celui d’un dirigisme étatique confié à une armée de fonctionnaires.

Dans un article publié en 2021 par le Haut conseil de la Santé publique et qui s’intitule L’expertise en temps de crise, les auteurs notent que le Conseil scientifique s’est fait par cooptation. Un groupe de personnes qui se connaissaient se sont rassemblées pour s’autoproclamer Conseil scientifique avec la bénédiction d’Olivier Véran. Alice Desbiolles s’insurge d’un avis du 19 janvier 2022, qui atteste d’un certain despotisme du  Conseil scientifique : «  ni l’impératif de liberté, d’expression et de démocratie, ni les principes de controverses scientifiques ne sont facilement compatibles avec les médiations d’opinion non documentées formulées par des personnes se prévalant d’une légitimité scientifique auprès du public ».

Alice Desbiolles soutient également la position du Professeur François Alla, démissionnaire du Haut Conseil de la Santé publique. Le Professeur AllA justifie ainsi sa démission: « on assiste, dit-il, aujourd’hui à un processus de décrédibilisation de toute voix discordante. C’est devenu très dur pour un expert de dire : je ne suis pas tout à fait d’accord avec les politiques. Les gens sont tétanisés. Ils ont peur de passer pour des anti-vaccins ou des complotistes. » et Alice Desbiolles ajoute «  l’impression a été donnée qu’il n’y avait qu’une seule voix scientifique homogène et consensuelle dans cette crise, ce qui n’était pas le cas. » Le Professeur Alla témoigne d’ une situation où l’expression d’un dissensus n’a pas de légitimité, on peut ne pas être d’accord avec son interlocuteur, mais on doit prendre en compte son discours et le respecter. Ceux qui rêvent d’une démocratie sanitaire devront attendre. On est loin d’imaginer un débat où chacune des parties s’opposerait en reconnaissant la légitimité du discours de son contradicteur. Karl Popper donnait de la science cette définition : « C’est la coopération amicalement hostile des citoyens de la communauté du savoir ».

 [1] Estimation de l’impact de la vaccination sur le risque de formes
graves de Covid-19 chez les personnes de 50 à 74 ans en France
à partir des données du Système National des Données de Santé
(SNDS), 11 octobre 2021, Marie Joëlle Jabagi, Jérémie Botton , Bérengère Baricault.
1.EPI-PHARE – Groupement d’intérêt scientifique (GIS) ANSM-CNAM ?

[2]Richard Horton est rédacteur en chef du Lancet, éditorial du 26 septembre 2022.

[3]https://blog.laurentvercoustre.lequotidiendumedecin.fr/2021/08/28/quand-la-liberte-tue-la-liberte/

[4] Direction général de la santé, direction générale de l’offre de soins, direction générale de l’action sociale et direction régionale des études économiques et statistiques.

Laurent Vercoustre

5 Commentaires

  1. La lucidité, les capacités d’analyse, le raisonnement scientifique sont devenus des denrées très rares de nos jours. Bravo à Alice Desbiolles et Laurent Vercoustre.

  2. Enfin une analyse objective. Profitons en pour la lire. Dès la réelection de l’équipe actuelle, Alice Desbiolles devrait être radiée de l’ordre.

  3. « Ce secteur de notre système reste dominé par l’état d’esprit du début de la Ve République. Celui d’un dirigisme étatique confié à une armée de fonctionnaires. »
    C’est bizarre de conclure ainsi alors que vous regrettez plus haut que des organismes (de fonctionnaires?) déjà existants n’aient pas été sollicités mais au contraire ont été supplantés par un « Conseil scientifique » « autoproclamé » composé de « cooptés », mécanisme de mise en place assez peu pratiqué dans la fonction publique.

  4. Il est tout à votre honneur d’avoir changé de position par rapport à l’obligation vaccinale devant les faits indéniables de l’échec de l’arrêt de la transmission par ce vaccin.. Mais pourquoi donc, étiez vous parti de cet à priori là , puisqu’en plus même pfizer ne l’étudiait pas.. ? Du mythe du vaccin sauveur , qui est réguliérement contredit par les seules études récentes sur les vaccins en double aveugle (le sida , la dengue , le palu).. ? Beaucoup de gens ont pensé comme vous, sans avoir eu le courage ou l’intelligence de faire demi tour, et sont prêts à imposer un vaccin dangereux (puisque non indispensable et ayant forcément des effets secondaires ) sur TOUTE une population..la formation scientifique des médecins (j’en suis) est des plus médiocre et laisse la part belle à l’idéologie, les mythes et les légendes…(sans parler des liens d’interêt)

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