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Covid-19 : pandémie ou syndémie ?

Une pandémie est une épidémie qui s’étend à la quasi-totalité d’une population, d’un continent ou de plusieurs. Voilà la définition de la pandémie qu’on trouve sur internet

La syndémie se définit comme la rencontre de l’infection par le SRAS-CoV-2 et d’un éventail de maladies non transmissibles (MNT). Les médecins de santé publique ont adopté cette définition à la suite de l’éditorial dans le Lancet de Richard Horton. Horton ne nie pas l’importance de l’épidémie, l’une des plus graves de notre histoire récente. Il tient à rappeler que pour cette épidémie la probabilité d’être contaminé et de faire une forme grave de la maladie dépendait largement du mode de vie et l’état de santé préexistant.

Ce qui différentie radicalement pandémie et syndémie c’est que dans la pandémie, chaque individu contaminé présente le même risque de développer la maladie, tandis que la syndémie ne concerne que des populations déjà atteintes d’une maladie chronique ou présentant un âge avancé.

La notion de syndémie a été conçue pour la première fois par Merrill Singer, un anthropologue médical américain, dans les années 1990. Singer a fait valoir qu’une approche syndémique révèle des interactions biologiques et sociales qui sont importantes pour le pronostic, le traitement et la politique de santé.

La comorbidité associée à la Covid recouvre un large éventail de pathologies. Mon analyse se réfère à l’étude réalisée par EPI-PHARE[1]. L’âge est au tout premier plan des facteurs de comorbidité.( tableau 1).

Parmi les sept  pathologies qui ont un risque absolu supérieur à 300 pour 100 000 individu d’hospitalisation et de décès, on est étonné de compter la maladie de Parkinson et la démence ( tableau 2). De même, parmi les huit pathologies avec les  risques relatifs les plus élevés d’hospitalisation et de décès en milieu hospitalier, on trouve la trisomie 21 et le retard mental( tableau 3).

Par ailleurs les rapports de risque d’hospitalisation  sont pour l’obésité,  l’hypertension, l’insuffisance cardiaque et les maladies respiratoires chroniques sont largement inférieurs à ces huit pathologies. (Tableau 4)

Quittons les chiffres, et examinons avec un peu de recul l’histoire de la covid-19

 Recul d’ordre épistémologique. Posons nous la question de la maladie, qu’est-ce qu’une maladie ? Certes des pages entières ont été écrites à ce sujet, je crois qu’on peut dire que la description  d’une maladie procède autant  de l’observation que de la conceptualisation. Requalifier la maladie  covid-19 comme une syndémie, c’est lui donner un cadre conceptuel nouveau. Ce nouveau cadre conceptuel implique un certain type de stratégies de nature relationnelle, ciblée et proportionnées.

Les autorités sanitaires dans leur lutte contre la maladie Covid-19 se sont engagés dans des voies qui reposaient sur une conceptualisation erronée de la Covid-19. L’erreur première a été de considérer que le problème se réduisait seulement au virus. Virus qui s’attaquait à des populations composées d’individus interchangeables. Nous savions pourtant depuis des décennies le fait d’être malade ou en bonne santé n’était jamais réductible à un agent biologique mais qu’il tenait à un faisceau de facteur sociaux et environnementaux. Ce malentendu originel  a eu pour conséquence d’imposer des stratégies globales et indifférenciées. Ainsi certaines populations étaient doublement victimes, d’une part de l’épidémie et d’autre part des mesures générales indifférenciées telles que le confinement  et  les mesures individuelles, comme le dépistage et la vaccination.

En France les plus pauvres sur l’année 2020-2021, se révèlent comme les plus à risque par rapport à la population générale. L’approche syndémique permettait de comprendre pourquoi les plus pauvres étaient aussi les plus contaminés. Ces pauvres étaient concentrés dans les quartiers  à forte concentration d’habitants et ils habitaient des logement exigus.

Pour les spécialistes en santé public il faut réaffirmer le rôle majeur des déterminant sociaux  et environnementaux de la santé.

Les résultats suivants concernent la 1ére vague

Tableau 1 

Risque de décès en fonction de l’âge

Âge Risques de décès
50 à 64 ans 3 plus de risque
65 à 74 ans 7 fois plus de risque
75 à 80 ans 10 fois plus de risque
Au delà de 80 ans 16 fois plus de risque

Tableau 2

Affections avec un risque absolu d’hospitalisation et de décès hospitalier supérieur à 300 pour 100 000

  hospitalisation Décès
Insuffisance rénal chronique Traitée par dialyse 717 747
Démence(incluant maladie d’Alzheimer) 524 462
Transplantation du poumon 388 446
Insuffisance cardiaque 511 376
Cancer actif du poumon 369 334
Maladie de Parkinson 535 264
Transplantation rénale 312 322

Tableau 3

Pathologies les plus fréquentes avec risques d’hospitalisation et de décès

  hospitalisation         décès
  trisomie 217,03 (6,13- 8,07) 22,98 (17,13-30,83)
Retard mental 3,53 (2,25-5,29) 7,33 (6,07-8,85)
Mucoviscidose 3,76 (2,61-5,34) NE
Insuffisance rénale chronique Terminale sous dialyse 4,17 (3,92-4,43) 4,66 (4,18-5,20)
Cancer actif du poumon 2,60 (2,40-2,81) 4,01 (3,50-4,58)
Transplantation rénale 4,55 (4,17-4,95) 7,07 (5,95-839)
Transplantation du poumon 3,53 (2 ,35-5,29) 7,02 (3,14-15,70)

Tableau 4

Sur risque d’hospitalisation dans les maladies chroniques

Obésité 1,63 (IC 95% 1,57-1,70
Hypertension 1,17 (IC 95% 1,15-1,19)
Diabète 1,81 ( IC 95% 1,78-1,84)
Insuffisance cardiaque 1,51; IC 95% 1,47-1,55)
Maladies respiratoires chroniques 1,74 (. IC 95% 1,70-1,77)  

[1] EPI-PHARE a réalisé une analyse quasi-exhaustive des données de la population française, soit plus de 66 millions de personnes, afin d’identifier les maladies chroniques et des facteurs tels que l’âge ou le genre susceptibles de présenter un sur-risque d’hospitalisation ou de décès pour Covid-19.

Laurent Vercoustre

2 Commentaires

  1. Il manque aussi le sexe puisque on retrouve plus de DC chez les hommes que chez les femmes et que ces dernières sont plus sujettes aux EI/EIG

  2. Excellente mise au point. Il est dommage que les cabinets de consultants n’aient pas envisagé cette notion. Cela aurait évité bien des dommages collatéraux.

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