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Une certaine vision de la crise de la covid-19

La crise de la Covid19 et l’effondrement de l’esprit de la Charte d’Ottawa.

Certains médecins de santé publique ont un regard critique sur la gestion de la crise du covid-19. J’ai trouvé leur argumentaire pertinent, c’est pourquoi je propose dans ce billet d’en  faire la synthèse.

En novembre 1986 la capitale du Canada accueillait « La conférence internationale sur la promotion de la santé. » De cette conférence naissait la célèbre Charte d’Ottawa qui marquait le début d’une ère nouvelle en santé publique, en affirmant que santé et liberté étaient indissolublement liées. Elle affirmait qu’aucune action en santé publique ne peut être efficace si elle n’est pas fondée sur l’autonomie des individus et des communautés auxquelles ils appartiennent. Ainsi la première phrase de la charte énonçait : « la promotion de la santé est le processus qui rend les individus capables d’assurer un plus grand contrôle sur leur santé ». L’esprit de la charte d’Ottawa s’inscrit dans le prolongement des mouvements sociaux qui revendiquaient « l’empowerment » des populations réduites à l’état de minorité ( les pauvres, les victimes du racisme, les femmes, les homosexuels). Il cherche à promouvoir et à garantir le pouvoir des populations sur leur environnement, c’est à dire sur leur réalité sanitaire, sociale et politique dont elles subissaient les rapports de domination.

L’épidémie de Sida  a également contribué à transformer la santé publique. Elle a promu des associations qui sont devenues des partenaires incontournables en intervenant dans les mesures de santé publique. L’idée d’un partage des connaissances entre soignants et patients et d’une co- construction des savoirs en santé publique s’est alors imposée et a plus ou moins diffusé dans les autres champs de la médecine.

Et puis la Covid-19 a fait irruption dans le paysage sanitaire et a balayé l’esprit de la Charte d’Ottawa et la démocratie sanitaire conquise pendant près d’un demi-siècle de lutte contre l’épidémie de SIDA. En France et dans de nombreux pays, l’autorité politico-sanitaire s’est arrogé les pleins pouvoirs, et a renvoyé le citoyen à un statut de minorité au nom de son incompétence épistémique. Elle a imposé une doxa officielle, exclusivement prescrite par le conseil scientifique et les responsables politico-sanitaires, et a rendu délictueuses toute tentative d’opposer au discours institutionnel un contre-discours.

Elle a porté atteinte aux libertés fondamentales, comme la liberté d’aller et venir en instituant  le confinement dont j’ai montré l’inefficacité dans un précédent billet. Enfin elle a mis au rebut  la loi du 4 mars 2002 dite « loi Kouchner » contraignant les soignants à respecter le consentement du patient pour toutes les décisions qui le concernent.

Le pouvoir politique a justifié ses interventions en s’appuyant sur un récit fallacieux qui opposait deux camps : celui des partisans de la santé publique et celui  des défenseurs des libertés et de la démocratie. Ces derniers étaient  accusés d’égoïsme, tandis que les premiers  étaient  considérés comme garants de la solidarité du bien public.

Les responsables politiques ont construit leurs discours à partir d’une vision erronée de la crise qui s’est d’emblée imposée dans leur imaginaire comme une pandémie. Ainsi est né un discours sur l’universalité du risque, par lequel nous étions tous à risque de formes graves. Dans cette perspective tous les individus devaient être traités  identiquement et la réalité sanitaire et sociale des milieux de vie pouvait être purement et simplement niée.

L’héritage de la crise du Sida et l’esprit d’Ottawa était réduit à néant. Le pouvoir politico-sanitaire n’a pas su reconnaitre la réalité syndémique de l’épidémie, c’est-à-dire ses différentes manifestations en fonction des déterminants sociaux et environnementaux de santé, sur lesquels on aurait pu agir efficacement. C’est ainsi que les populations défavorisées ont subi la double peine, le confinement et le covid-19. En France, selon les associations caritatives, la crise a condamné un million de personnes à la pauvreté.

Et puis il y a eu le vaccin. Le vaccin allait s’imposer comme une valeur phare de la gestion de la crise. Le gouvernement renouvelait son erreur sur la gestion de celle-ci en imposant une vaccination de masse.  Puisque la menace de la pandémie était universelle, la vaccination devait être distribuée de manière massive et indifférenciée. Le mot d’ordre était « tous vaccinés tous protégés ». La vaccination aurait dû être évaluée de manière différentiée selon la population cible concernée. Présenter le vaccin comme l’unique moyen de sortir de la crise revenait à substituer au raisonnement scientifique et médical une approche militante et morale.

Ainsi le pass vaccinal a été annoncé par le président de la République dans son allocation du 12 juillet 2021. Ce pass vaccinal n’était pas très loin de l’obligation vaccinale tant il confisquait  toute possibilité de vie sociale à ceux qui n’obtempéraient pas. Plutôt que cette injonction  non sélective à la vaccination, une stratégie « d’aller vers » aurait été bien plus efficace. D’aller vers les personnes âgées isolées comme l’a fait l’Espagne  qui a atteint une couverture vaccinale de 100% chez les plus de 80 ans. Alors que la France a connu la plus mauvaise couverture vaccinale des personnes âgées en Europe.

Dans le prolongement de la stratégie vaccinale du gouvernement,  il y a eu la vaccination des enfants, qui cette fois confine à l’absurde. Ce sera peut-être l’occasion d’un prochain billet.

Laurent Vercoustre

4 Commentaires

  1. Ce texte est sage, et il est rare d’en lire d’une telle valeur. Et on se demande comment les grands décideurs ont pu s’égarer autant. J’ai vu l’audition de Fisher au sénat. C’est ahurissant d’écouter le raisonnement de ce type. Heureusement que des textes comme celui de Laurent Vercoustre nous rassurent sur la raison au sein du monde médical.

  2. Je suis entièrement d’accord avec vous . Il faudra que les professionnels de santé avec les associations d’usagers tirent les leçons de cette syndémie .Actuellement la vigilance s’impose pour ne pas laisser le gouvernement nous imposer un pass vaccinal; il n’est pas sur que le parlement actuel entérinerait cela, si le pouvoir venait à le décider . Cordialement

  3. Merci Laurent pour ce rappel qui remet bien des pendules à l’heure.
    Hélas, pendant ce temps-là, la France continue d’engranger des vaccin pédiatriques contre le covid et Fisher recommence sa propagande…

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