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Assistants médicaux, un tout petit pas vers le futur….

La création d’assistants médicaux a de quoi intriguer, elle donne en effet naissance à un nouveau professionnel de santé au contour très incertain. Les textes attribuent à l’assistant des missions variables. On en retient trois principales. Administrative : accueil du patient, création et gestion du dossier informatique, recueil des données administratives. Missions liées à la consultation : aide à l’habillage et au déshabillage, prises de constantes, mise à jour du dossier patient concernant les dépistages et les vaccins, préparation et aide à la réalisation d’actes techniques. Missions de coordination avec les autres intervenants dans la prise en charge du patient. L’assistant médical est une curieuse chimère : il est un peu secrétaire, un peu infirmier, un peu gestionnaire, en un mot un peu tout à la fois.

Je crois qu’il faut voir en réalité dans l’assistant médical, un petit pas, un petit pas bien timide, à peine conscient, en direction de la grande mutation qu’attends depuis trop longtemps notre système de santé. Cette grande mutation, c’est ce qu’on appelle le virage ambulatoire. On pourrait aussi parler de révolution copernicienne, car il s’agit de mettre au centre du système de soins la médecine ambulatoire, et non plus l’hôpital, jusque-là considéré comme le pilier, la plaque tournante du système.

Nous passons d’une médecine qui était principalement centrée sur l’homme couché à une médecine qui doit s’occuper de l’homme debout (1). Car ce sont les maladies chroniques qui dominent aujourd’hui le paysage épidémiologique, et c’est désormais l’homme debout, l’homme dans son milieu de vie que la médecine doit prendre en charge.  Les responsables de santé ont compris que c’est autour de cet homme debout qu’il fallait désormais organiser la médecine ambulatoire. Ainsi est né le concept de réseau de soins qui s’est traduit dans les faits par la création des CPTS (Communautés professionnelles territoriales de santé).

L’hôpital soigne l’homme couché, l’hôpital c’est une architecture qui distribue des espaces médicaux, c’est aussi tout un personnel constitué des trois grand corps, administratif, médical et infirmier.  J’ai quelques fois arpenté les longs couloirs de l’administration qui occupait tout le dernier étage de mon hôpital. J’étais frappé par l’enfilade de toutes ces portes où l’on lisait : secrétariat de direction, secrétariat de la CME (commission médicale d’établissement), bureau des ressources humaines, service qualité, affaires médicales, cellule de communication et j’en passe.

Que propose-t-on aujourd’hui à la médecine ambulatoire : l’assistant médical, c’est bien peu.

Pour bénéficier d’un assistant médical, le praticien doit s’engager dans une démarche de soins coordonnée et notamment au sein de CPTS. C’est dans la logique des choses. Mais l’appui logistique de l’assistant médical apparaît bien léger en regard de l’armada de personnel, administratifs, aides-soignantes, infirmières dont bénéficie l’hôpital. Or pour que le réseau de soins joue son rôle, il doit pouvoir compter sur un appui logistique conséquent. Car ses fonctions de coordination du parcours de soins, sa vocation à suivre les patients non plus sur le temps court de l’épisode pathologique, mais sur le temps long du cycle de vie, nécessite toute une gestion qui n’est pas moins importante que celle de l’hôpital.

Une chose encore sur cet assistant médical. Comme toujours sa création procède d’un marchandage entre l’Etat et la médecine libérale. C’est l’Etat qui finance l’assistant. L’aide est dégressive mais pérenne, 36 000 euros la première année, 27 000 euros la deuxième et 21 000 euros les années suivantes.  En contrepartie le praticien devra s’engager à augmenter son activité.  Dans le cas de trois médecins installés, la hausse exigée varie de 4 à 20%. C’est tout de même stupéfiant que la CNAM exige un supplément d’activité qui alourdira ses dépenses, sans nécessairement améliorer le niveau de santé. On sait bien que celui-ci ne dépend pas de l’offre de soins en générale et du nombre de consultations en particulier.

Enfin, ce mode de financement par la CNAM crée une situation ambiguë. Les assistants médicaux râlent déjà en prévenant que non rémunérés par les médecins, ils n’en seront pas moins les subordonnés. Belle perspective… Il y avait la solution d’augmenter le prix de la consultation en deux parties : le tarif actuel (25€) + un tarif permettant (et de façon obligatoire) d’embaucher un assistant à plusieurs praticiens. Le médecin gardait ainsi la maîtrise de son activité.

L’Assistant médical est une réforme à la française, un tout petit pas, un tout petit pas dans la bonne direction certes, mais combien dérisoire. Nos responsables n’ont pas pris la mesure de ce qui était à entreprendre pour réussir le virage ambulatoire.

(1) Le professeur Couzigou  promoteur de la prescription verte est l’auteur de cette belle métaphore opposant l’homme debout des maladies chroniques et l’homme couché de l’ère de la clinique dominée par les maladies infectieuses.

Laurent Vercoustre

13 Commentaires

  1. Tout à fait d’accord avec vous.
    Mais pensez vous que nos politiques et leurs administrations aient compris la situation ? Notre système n’est il pas atteint du syndrome de la ligne Maginot ?
    Je fais une série de proposition dans un petit texte paru le jeudi 16 mai dans cette même revue. Qu’en pensez vous ?

  2. « La création d’assistants médicaux a de quoi intriguer, elle donne en effet naissance à un nouveau professionnel de santé au contour très incertain. Les textes attribuent à l’assistant des missions variables. On en retient trois principales. Administrative : accueil du patient, création et gestion du dossier informatique, recueil des données administratives. Missions liées à la consultation : aide à l’habillage et au déshabillage, prises de constantes, mise à jour du dossier patient concernant les dépistages et les vaccins, préparation et aide à la réalisation d’actes techniques. Missions de coordination avec les autres intervenants dans la prise en charge du patient. L’assistant médical est une curieuse chimère : il est un peu secrétaire, un peu infirmier, un peu gestionnaire, en un mot un peu tout à la fois. »

    Une description qui convient parfaitement à l’externe à l’hôpital. Doit-on en conclure qu’ils seront rémunérés comme tel ?(pour rappel 200 à 300 euros mensuel pour >35heures semaine).
    Dans ce cas, ce financement est réaliste!

  3. Votre billet invite à la réflexion et au débat.
    Une de nos consœurs a travaillé en France , puis elle est partie en Suisse…. où les assistantes médicales existent depuis très longtemps et sont d’une grande efficacité. Mais leur rôle et leur coût réel semblent bien loin du projet envisagé par l’assurance maladie.
    Le billet écrit par notre consœur participe pleinement à la réflexion concernant les futurs assistants médicaux :
    https://aupaysdesvachesmauves.com/2019/02/08/assistes/

    • Le témoignage de notre consœur exerçant en Suisse nous prouvent que le projet français est un leurre. Et les médecins français signent pour exercer prochainement dans un système voué à l’échec. Alors oui, Laurent, il est urgent que les médecins réfléchissent, en concertation. Mais il faut leur donner les moyens, à commencer par un tarif de consultation qui leur permette de gérer leur job et leur vie. Mais qu’ils arrêtent d’être subventionnés, donc subordonnés. Nous allons encore être ridiculisés, j’en ai pour preuve la FHF qui nous conseille, maintenant. Désespérant.

      • Tu as raison Gérard, les généralistes français sont les moins bien payés d’Europe, et les relations entre le corps des médecins libéraux et la CNAM sont malsaines car elles tendent à infantiliser les médecins. C’est ainsi que le principe même des ROPS qui consiste à récompenser quand on fait bien est parfaitement anti déontologique.En effet cela revient à rémunérer une action considérée comme « allant de soi » dans l’exercice de son métier. On change ainsi son statut, et on passe ainsi de norme professionnelle, ou d’impératif déontologique, à un statut marchand.

  4. Sincèrement, pensez vous toutes et tous que les CPTS vont être un centre de réflexion sur l’acte médical ou un centre d’enregistrement des objectifs à atteindre, dictés par ceux qui vont financer ( ou sanctionner selon leurs critères)?

    • Sincèrement je ne pense pas. Et pourtant l’idée qu’un CPTS puisse être un centre de réflexion est une excellente idée, car je crois qu’un des grands défaut de notre médecine, c’est qu’elle ne se donne pas le temps de réfléchir…J’ai idée de faire un billet sur cette question !

  5. « Je crois qu’il voir en réalité dans l’assistant médical, un petit pas, un petit bien timide, à peine conscient, en direction de la grande mutation qu’attends depuis trop longtemps notre système de santé. Cette grande mutation, c’est ce qu’on appelle le virage ambulatoire. On pourrait aussi parler de révolution copernicienne, car il s’agit de mettre au centre du système de soins la médecine ambulatoire, et non plus l’hôpital, jusque-là considéré comme le pilier, la plaque tournante du système. »

    100% d’accord. Je pense aussi que l’assistant médical permettra aussi au médecin, à terme, de se décharger de certaines tâches pour renforcer ses compétences strictement médicales, au delà de la stricte pratique: compétences scientifiques et éthiques.

    De mon point de vue, il est temps que les médecins se mettent à lire bien d’avantage de littérature scientifique et de littérature d’éthique médicale.

    • J’apprécie beaucoup votre réaction parce qu’elle pointe la nécessité de donner au médecin le temps de la réflexion et de la lecture de la littérature scientifique..

      • Oui. Autant j’ai un gros problème personnel avec les médecins (cf. mon pseudonyme), autant je pense sérieusement que les cadences qu’ils ont et la façon dont ils ont le nez sur le guidon devrait relever d’un autre temps. Tout le monde est en effet perdant.

        On peut toujours réfléchir aux questions immédiates: Est-ce que mon acte en tant que médecin va bénéficier au patient? Est-ce que telle réforme va avoir des effets dommageables dans l’immédiat?

        On peut aussi réfléchir aux questions de plus long terme: Est-ce que la prise en charge du patient est adaptée sur le long terme au delà du cacheton donné ou de la chirurgie pratiquée? Est-ce qu’on a une idée sérieuse du type de médecine vers laquelle on veut à terme aller, au delà des obstacles systémiques qui freinent le changement?

        Ces deux types de soucis peuvent paraître temporellement éloignés, mais on ne peut vraiment pas faire l’un sans se soucier de l’autre.

      • Je souhaite pas être grossier mais concrétement le temps c’est de l’argent, Il me semble totalement irrationnel d’espérer de l’intelligence ( réflexion et culture) lorsque la gestion du modéle économique des médecins libéraux par les tutelles se base sur (1) les leviers économiques procurés par les ROSP et les forfaits et (2) le sacrifice de l’indépendance économique de la pratique médicale avec les assistants subventionnés puis pour bientôt (3) le contrôle directe de la pratique médicale avec le DMP, l’IA sans cesse promue, et la télémédecine.
        Dans ce contexte de paupérisation, d’asservissement économique, et de contrôle des pratiques (qualité et pertinence), les assistants ne vont certainement pas soulager l’étreinte bureaucratique.

        • Sur le long terme, j’attends pas mal de l’IA. Je sais d’avance (en tout cas, j’ai toutes les raisons de le penser) qu’il y aura de gros ratés à court terme et moyen terme.

          Pourriez-vous détailler le contenu des trois points que vous mentionnez? Je n’ai en effet pas assez de connaissance sur le fonctionnement interne de la médecine française pour me permettre d’émettre un jugement sans en connaître davantage.

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