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Covid-19, quand les Etats-Unis perdent la face

La crise du covid-19 aura été révélatrice de bouleversements dans l’ordre du monde. Le plus remarquable a été la déroute des Etats-Unis face au coronavirus.

Pour la première fois depuis la dernière guerre mondiale, les Etats-Unis, ont perdu leur statut de leader. Le pays le plus riche, le plus puissant du monde s’est montré dans l’incapacité de soigner ses propres patients. Les hôpitaux de New-York, la ville qui ne dort jamais, commencent à ressembler à des hôpitaux du tiers monde. On a vu des fosses communes à New-York. Les faiblesses du système de santé américain éclatent aux yeux du monde entier. Anthony Fauci, conseillé de Trump et directeur de la National Institute of Infectious Diseases en est conscient: « le système […] n’est pas vraiment adapté à ce dont nous avons besoin maintenant… C’est un échec, admettons-le »

Un institut, le Deep Knowledge Group (DKG) a publié un classement déterminant, dans l’ordre, les pays qui gèrent au mieux la pandémie de coronavirus.252 nations sont classifiées avec plusieurs notes, qui couvrent différents critères essentiels : efficacité de leur gouvernement respectif, efficience de la quarantaine, ou encore la préparation des États face à une situation d’urgence. Selon les données collectées par le site jusqu’au 23 août, c’est l’Allemagne qui est en tête avec 762,64 points. La Nouvelle-Zélande et la Corée du Sud prennent les deuxièmes et troisièmes places. Les Etats-Unis, première puissance mondiale, sont à la 55e position avec 532,56 points. Les États-Unis sont le pays le plus touché au monde par la pandémie de Covid-19, avec des records de contaminations battus quasi-quotidiennement et près de 200 000 morts.

Dès le 30 avril 2020, les américains font le constat que le coronavirus a tué plus que la guerre du Vietnam ; en tout, 58 220 militaires américains avaient perdu la vie entre 1955 et 1975. Aujourd’hui c’est près de 4 fois plus de morts par la Covid-19.

Le personnage grandguignolesque de Trump n’a fait qu’aggraver la situation. Ses déclarations impulsives et primaires soufflent constamment dans le sens d’une politique isolationniste. Le fait le plus marquant de cette politique a été le retrait de l’OMS qui a été annoncé début juillet et deviendra effectif le 6 juillet 2021. Le désengagement américain de cette agence des Nations unies fait suite aux accusations répétées de Donald Trump, qui reproche depuis le mois d’avril à l’OMS d’avoir sciemment caché l’ampleur de l’épidémie de Covid-19 et d’avoir été instrumentalisée par la Chine. Après l’Unesco en 2017 et le Conseil des droits de l’homme en 2018, l’OMS devient la troisième agence des Nations unies dont le président américain a retiré son pays. Le départ américain la prive de son plus gros contributeur individuel. Les États-Unis ont versé en 2019 plus de 400 millions de dollars (360 millions d’euros) à l’organisation, soit environ 15 % de son budget total. Comme à l’accoutumée, la décision de Trump a soulevé de nombreuses critiques. D’abord sur l’opportunité de se retirer d’une organisation internationale au moment même où une pandémie d’ampleur sans précédent nécessite une coordination internationale. Ensuite sur la perte d’influence représentée pour les États-Unis, alors que l’OMS est impliquée dans les efforts pour le développement d’un vaccin et les essais cliniques contre la Covid-19. Le Lancet a qualifié cette décision de « folle et terrifiante », et a accusé le gouvernement américain de « jouer au voyou en pleine urgence humanitaire ».

Trump a également réussi à enflammer les relations avec la Chine. Pékin et Washington étaient déjà à couteaux tirés depuis la guerre commerciale lancée voilà deux ans par Donald Trump. Et voilà que Donald Trump et son administration accusent Pékin d’avoir tardé à communiquer des données cruciales sur l’épidémie, apparue fin 2019 dans la ville de Wuhan, et d’avoir ainsi facilité sa propagation.  Il a même évoqué la possibilité de demander à la Chine de payer des milliards de dollars de réparation et menacé de couper « toute relation » avec Pékin qu’il tient pour responsable d’une « tuerie de masse ».

Les chinois ont réagi aux attaques de la Maison Blanche par la voix de son ministre des Affaires étrangères Wang Yi, c’était le 24 mai : « Outre la dévastation causée par le nouveau coronavirus, un virus politique se propage aux États-Unis » et il a ajouté : « Avec la crise du coronavirus, certaines forces politiques américaines prennent en otage les relations entre la Chine et les États-Unis et poussent nos deux pays au bord d’une nouvelle Guerre froide ».

 Il n’y aura pas de guerre froide car très rapidement les chinois vont imposer au monde une toute autre image. La Chine à cœur de faire oublier que la pandémie est née chez elle. Elle cherche à effacer ses erreurs et sa responsabilité dans la gestion initiale de la crise et à convaincre ses partenaires de son exemplarité. Elle va inspirer au monde entier les techniques de confinement et démontrer leur efficacité. Notons que la Covid-19 a tué en Chine, pays le plus peuplé au monde 4634 personnes, c’est 43 fois moins qu’aux Etats-Unis !

Pékin va profiter de cette crise de grande ampleur pour proposer son aide tout azimut : don de 20 millions de dollars à l’OMS, envoi d’experts médicaux en Iran et en Italie, construction d’un laboratoire en Irak, acheminement de tests diagnostiques aux Philippines et d’équipements de protection au Pakistan et en France. » Les exemples de l’activité chinoise sont nombreux.

Comme je le soulignais au début de ce billet, cette crise a dévoilé et accéléré un certain déclin des États-Unis, de plus en plus isolé et en perte d’influence sur la scène internationale. La grande affaire des relations internationales dans les prochaines décennies va être la rivalité entre les États-Unis et la Chine. On peut dire que dans cette crise sanitaire, le grand gagnant est la Chine.

Laurent Vercoustre

8 Commentaires

  1. il est vrai qu’on a du mal à croire les chiffres chinois, quand on a en tête les images des milliers d’urnes entassées que venaient récupérer les proches; j’ai le souvenir (erroné?)que chaque « tas » d’urnes était évalué à 3500 urnes et qu’il y avait 7 lieux de stockage dans la ville considérée….

  2. Attention, l’affaire Corona dépasse infiniment , par les effets secondaires des remèdes que nous avons cru bon mettre en place contre le Covid19, les dégats causés par le virus lui-même. Notre civilisation toute entière vacille, et nous ne le voyons pas clairement.
    Regardons à côté des seules données scientifiques, les vrais enjeux du futur vital de la planète sont là.

  3. Bonjour,
    Je commencerai par quelques nuances, qui manquent gravement à cet article qui semble faire confiance aux chiffres chinois (« Notons que la Covid-19 a tué en Chine, pays le plus peuplé au monde 4634 personnes, c’est 43 fois moins qu’aux Etats-Unis ! »:
    – Difficile de faire confiance, portant, aux chiffres publiés par la Chine (le nombre dérisoire de décès par rapport à la population est totalement aberrant! Et tout le monde, sauf Laurent Vercoustre, est unanime à ce propos): soucieuse de son image de réussite dans tous les domaines; crainte dans les provinces des représailles du pouvoir central si trop de cas de Covid sont signalés; quasi impossibilité de coordination sanitaire dans un pays aussi vaste, aussi peuplé et aux zones trop isolées (et même « abandonnées »); même si l’État était honnête, il n’aurait aucune remontée d’informations fiables! Prise en charge très partielle malgré les allégations de l’État.
    – Difficile de faire confiance aussi aux chiffres des États-Unis (dans une moindre mesure par rapport à la Chine, certes), pour plusieurs raisons: l’absence de politique de coordination sanitaire fédérale, laissant à chaque état la gestion, sans contrôle fédéral; comme en Chine, chaque État veut montrer que sa politique et sa gestion est exemplaire, limitant ainsi les remontées honnêtes et transparentes des données; très grand nombre d’hôpitaux privés, donc uniquement basés sur la rentabilité financière plutôt que sanitaire; d’où le manque récurrent de matériels, de places en réanimation, etc.; l’absence de prise en charge des soins de santé, empêchant les très nombreux plus démunis de se faire soigner donc de déclarer qu’ils sont atteints;
    – Les données de Deep Knowledge Group sont une compilation, non pas de chiffres à une date précise, mais de chiffres étalés du 8 avril au 6 juin 2020, selon les pays!! Les comparaisons sont donc biaisées et illégitimes! On peut d’ailleurs trouver la totalité des pays « analysés » ici: http://analytics.dkv.global/covid-regional-assessment-200-regions/full-report.pdf .

    Je pense que ce qui compte en priorité, c’est le BILAN DES DÉCÈS PAR MILLION D’HABITANT (avec toutes les réserves exprimées ci-dessus sur la réalité des chiffres de certains pays): au 30 sept 2020:
    – En excluant la Chine avec 59 décès/1M habitants (!!):
    – Belgique: 862
    – Espagne: 676
    – Brésil: 673 (là aussi, j’ai quelques doutes! Sinon, ce ne serait pas si mal)
    – États-Unis: 637 (des doutes!)
    – UK: 620
    – Italie: 594
    – Suède: 583
    – France: 488
    – Pays-Bas: 374
    – Canada: 246
    – Suisse: 239
    – Monde: 130,2 (inclus bien sûr les chiffres litigieux)
    – Allemagne: 114
    Quelles que furent et soient les politiques sanitaires de chacun de ces pays, c’est ce bilan qui compte!!

    En outre, quand on analyse les courbes (depuis le début et lissées par semaine), celles-ci sont quasiment identiques dans tous les pays occidentaux, avec les décalages chronologiques logiques (ex: France 10 jours après l’Italie, dus à l’entrée décalée du Covid; ou Suède en retard de confinement…): Montée brutale jusqu’à un pic, puis retombée relativement rapide due aux confinements et aux mesures dans tous les pays.

    Autre « subjectivité » (pour être gentil) de l’article au sujet de la guerre du Vietnam:
    Lors de la guerre d’Algérie (combats ou attentats), furent tués 25 600 militaires, 2 800 civils plus 875 disparus, 30 000 à 150 000 harkis (c’est une honte de ne pas les avoir identifiés!); moralité: entre 59 275 et 179 275… Même en prenant le chiffre minimum de 59 275, on dépasse les 58 220 militaires américains tués au Vietnam!

    Tout le reste est évidemment justifié quant à la politique internationale délétère de Trump!

  4. Bjr, très étonné par votre billet….A commencer par l angélisme sur la Chine…Affirmer 4500 morts là bas me semble digne des plus belles années soviétiques ou nord coréennes..; Qd à l efficacité du confinement…. Billet très moyen ( c est mon opinion) d’un top journaliste =) =) A bientot

  5. La première place revient à Taiwan qui n’a eu que 7 décès sans confinement. Mais de le citer,cela risque de mécontenter la Chine

  6. Bonjour,
    L’honnêteté intellectuelle aurait été de préciser que dans ce mème classement , si honteux pour les Etats Unis -58ème-, la France , qui s’enorgueillissait de la meilleure medecine du monde, est placée au soixantième rang…..

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