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Plein feu sur les complémentaires santé

Notre assurance maladie offre un paysage contrasté. Avec d’une part la Sécurité sociale, cette grande dame vertueuse et de l’autre la nébuleuse des mutuelles.

Sécurité sociale, grande dame vertueuse, pour trois raisons. Premièrement et c’est là sa vertu essentielle, son principe fondateur est l’équité. On connaît la formule : «  chacun paye en fonction de ses moyens, et reçoit selon ses besoins ». Deuxièmement, sa gestion performante, elle a pleinement tiré partie de la révolution numérique pour gérer un budget équivalent à une fois et demi celui de l’État, soit près d’un quart du PIB. Enfin elle a l’exigence de rembourser ce qui est prouvé scientifiquement comme utile pour la santé par la HAS. Rappelons que notre Sécurité sociale a été conçue sur le modèle bismarckien, ce qui implique qu’elle est liée au travail. Cette restriction a disparu avec la CMU. Créée par la loi du 27 juillet 1999, la CMU a universalisé l’accès  à l’assurance maladie : toute personne résident en France bénéficie désormais des prestations du régime général.

Nébuleuse des complémentaires santé. 439 organismes exercent une activité de complémentaire santé sur le territoire français : 310 mutuelles, 103 sociétés d’assurance et 26 institutions de prévoyance. Celles-ci sont l’objet d’un sévère réquisitoire  soulevé par deux livres, Complémentaires santé, le scandale de l’économiste de santé Frédéric Bizard, publié  en 2016, et tout récemment Le livre (très ) noir des mutuelles du journaliste d’investigation Daniel Rosenweg.

À la lecture de ces ouvrages, on peut se demander si ce ne sont pas les cadres juridiques imposés par l’État lui-même qui ont perverti les mutuelles. À ce sujet deux dates font références.

– 2015, loi applicable au 1er janvier 2016 qui oblige les salariés du secteur privés à adhérer à la complémentaire santé choisie par leur employeur, lequel se doit de leur en proposer une et de la cofinancer à hauteur d’au moins 50%. 26 millions de salariés sont concernés. Cette loi est à l’origine d’innombrables  inégalités. La facture présentée à l’entreprise dépend de critères extrêmement variables. Et surtout ces contrats sont beaucoup plus généreux que les contrats individuels. Concrètement sur 1000 euro cotisé par an, les contrats d’entreprise bénéficieront de 900 euros de prise en charge de leur frais de santé contre  660 euros pour les contrats individuels.

– Trente et un décembre 1989, loi Évin nom du ministre de la santé d’alors. Cette loi traduit dans le droit français les directives européennes, lesquelles ne faisaient pas le distinguo entre familles d’assureurs contrairement à la réglementation  française qui privilégiait les mutuelles, notamment avec des avantages fiscaux. La loi Évin a permis que les trois grandes familles de l’assurance complémentaire, mutuelles, institutions de prévoyance et assureurs privés se trouvent sur un pied d’égalité pour commercialiser leurs offres.

Cette loi  a donc instauré la possibilité d’un jeu concurrentiel entre les différents acteurs de ce marché de la santé. Concurrence qui est limitée par l’uniformisation de l’offre des compagnies. Celles-ci sont fortement encouragées par le législateur à proposer des « contrats responsables » moyennant des avantages fiscaux et sociaux. Ces contrats responsables doivent  se soumettre à un cahier des charges fixé par décret. Concrètement, ils  doivent respecter des plafonds et des planchers de remboursement des soins.  

Signalons également les inégalités tarifaires, on est loin de l’esprit mutualiste qui répartissait les risques sur l’ensemble de leurs adhérents. L’âge est devenu un critère discriminant et les cotisations demandées aux retraités sont parfois incompatibles avec leur retraite.

En 2017, l’UFC-Que choisir a publié une étude portant sur quelque centaines de cotisations de contrats individuels. Le bilan d’une décennie tarifaire a montré qu’en 10 ans les primes avaient flambé de 47%. Conséquence de cette inflation, 1 français sur 5 renonce à souscrire une complémentaire santé.

Qu’est-ce qui justifie cet incendie tarifaire ? Les frais de gestion.  Je l’ai dit dans un précédent billet, en 2019, les charges de gestion des complémentaires sont supérieures à celles de la Sécurité sociale : 7,6 Mds € contre 6,9 Mds €. Alors que la Sécurité sociale gère une enveloppe de dépenses six fois plus importante. Depuis dix ans, la part de frais de gestion des organismes complémentaires a augmenté de près de 50% alors que celle de la Sécurité sociale a diminué. La part des frais de gestion dans les cotisations des organismes complémentaires privés s’élève à plus de 20% contre 3,4% pour la Sécurité sociale.

Dans ces frais de gestion, il faut compter les frais d’acquisition. De quoi s’agit-il ? De l’acquisition de nouveaux adhérents ! On arrive à ce paradoxe que la mise en concurrence des compagnies n’a pas abouti à une régulation du marché, mais à grever nos cotisations d’un coût non négligeable. Ce sont en moyenne 8 % des cotisations qui sont consacrées à la chasse aux nouveaux clients. Ce qui représente au total 3 milliards d’euros chaque année! Trois milliards  d’euros pour financer la publicité et le marketing !

Examinons maintenant ces assurances complémentaires sous l’angle de la finance et en particulier celui des fonds propres. Les organismes assureurs sont tenus de disposer d’un minimum de fonds propres pour avoir le droit d’exercer. En langage international, on les appelle Minimum Capital Requirement ( MCR) ce qui signifie capital minimum requis.  Leur valeur doit être égale ou supérieure à cent. Or en 2019, le MCR moyen de l’ensemble des mutuelles étaient de 990%, dix fois le minimum imposé de fonds propres ! La MGEN est en tête avec, en 2020,  885%,  elle est suivie par une cinquantaine de mutuelles disposant de réserves cinq fois supérieures au minimum recommandé.

À l’heure où se discute en haut lieu une réforme de notre assurance maladie, j’ai pensé qu’une réflexion sur les complémentaires santé serait opportune. Mais la question est trop vaste et compliquée, pour tenir dans un billet. D’où la nécessité de circonscrire mon analyse à l’aspect financier de ces complémentaires. Et de ce point du vue, on peut raisonnablement conclure que le déficit de la Sécurité sociale fait tache comparé à l’opulence des complémentaires.

Laurent Vercoustre

2 Commentaires

  1. Bonjour Docteur,
    Depuis quelques années je suis en invalidité et reraitée. Mais je paye rrès cher une mutuelle santé qui ne me rembourse presque rien. Je remercie vivement les médecins qui adhèrent à l’Optam…

    • Et que font les mutuelles pour une retraitee qui est allergique a moult médicaments et qui se soignait depuis 1975 avec l’homeopathie placebo ou pas pour moi cela fonctionnait (ma mutelle m’accorde 20€ par an et je paie 1800€) donc depuis l’arret des remboursements je ne fais qu’infection sur infection et tout le monde s’en fout Ils ont payé tres cher la note du covid Que les retraités qui paient un maximum se taisent restent dans leur coin (discrimination) avec l’aval de qui ? plusieurs pays en Europe se soignent ainsi mais pas la France avec l’aval de qui ?

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