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Activité physique et santé

« Seules les pensées que l’on a en marchant valent quelque chose ». Nietzsche

Nous vivons une drôle d’époque. D’un côté on voit des individus qui se mesurent à des épreuves physiques comme jamais l’homme n’en avaient affrontées. Je pense l’ultra trial de Chamonix : distance de 290 km, dénivelé de 26500 m. De l’autre on déplore une sédentarité qui n’a jamais atteint un tel niveau.

Les bénéfices d’une activité physique sont connus de longue date. Déjà dans l’Antiquité, Aristote aimait philosopher en marchant, de là vient le mot  péripatéticiens  « qui aime se promener en discutant ». Nietzsche était un grand marcheur : « À cette époque, disait-il, je pouvais, sans trace de fatigue, marcher sept ou huit heures en montagne. Je dormais bien, j’étais plein de vigueur ». Kant faisait sa promenade quotidienne. Son périple était immuable, sa ponctualité légendaire : on raconte que ses voisins réglaient leur pendule non pas en regardant l’horloge du clocher, mais au moment où le philosophe sortait pour sa promenade quotidienne dans les jardins de sa ville natale. Il renonça à sa promenade qu’une seule fois : le jour où il appris que la Révolution française avait éclaté. N’oublions pas notre cher Jean-Jacques Rousseau et ses « Rêveries du  promeneur solitaire ».

Quittons nos philosophes et revenons à notre présent[1]. Les études démontrant l’efficacité de l’AP (activité physique) ne manquent pas. L’étude Zaho[2] publiée dans le British Medical journal, se signale par son ampleur, elle porte sur 480 000 personnes suivies sur une période de près de 9 ans. Elle a par ailleurs le mérite de distinguer l’activité aérobie qui sollicite le système cardiovasculaire, comme la marche ou la course et l’activité anaérobies qui concernent la musculation et les assouplissements. L’étude  a montré une diminution de la mortalité de 11% pour l’activité anaérobie, de 25% pour l’aérobie et de 40% pour l’association des deux.

M Duclos[3] dans un éditorial datant de 2020 nous enseigne : « Ce ne sont plus trois, mais dix pathologies pour lesquelles l’AP est reconnue comme un traitement à part entière : le diabète type 2, l’obésité, la bronchopathie chronique, l’asthme, les cancers, les syndromes coronaires aigues, l’insuffisance cardiaque, la dépression et la schizophrénie. »

C’est dire l’importance qu’on doit accorder à cette AP compte tenu du paysage épidémiologique actuel. Paysage dominé par des pathologies chroniques (87% des décès), alors qu’au 19e siècle et au début du siècle dernier les maladies infectieuses prédominaient. On est passé du patient couché des maladies infectieuses au patient débout des maladies chroniques . Maladies chroniques qui sont bien souvent comportementales, si bien qu’on pourrait dire aujourd’hui que le patient n’est plus le terrain de sa maladie mais qu’il en est devenu l’auteur.

On peut voir dans l’épidémie de la covid-19 un retour des maladies infectieuses. Pourtant comme je l’ai dit dans un précèdent billet, la covid-19 est plutôt une syndémie qu’une pandémie. Or la syndémie se définit comme la rencontre de l’infection par le SRAS-CoV-2 et d’un éventail de maladies non transmissibles. Ce sont précisément les maladies chroniques qui sont responsables des formes graves de la covid-19.

En quoi consiste cette activité physique ? Pour répondre avec rigueur à cette question, il nous faut d’abord définir deux formes où l’AP fait défaut ; il y a d’une part l’activité physique insuffisante et d’autre part la sédentarité. L’activité physique insuffisante se définit comme une activité physique supérieure à la dépense énergétique de base mais inférieure aux recommandations  qui ont fait leur preuve pour un bénéfice sur la santé. De l’autre, il y a la sédentarité. Il s’agit d’un état où les dépenses physiques sont réduites au maximum, la dépense énergétique est alors proche du métabolisme basal. Il faut bien comprendre qu’un statut de sédentarité pendant la semaine est délétère quel que soit le niveau d’activité d’intense à faible pratiquée le week-end. Luter contre la sédentarité, c’est ne pas rester assis plus de 7 heures par jour et se lever quelques minutes pour marcher toutes les deux heures.

Quelle activité physique est-elle reconnue pour être suffisante ? Actuellement l’OMS conseille  30 minutes de marches par jour. À condition  d’avoir une marche rapide soit 4 à 5 km kilomètres par heure. Les recommandations actuelles sont plutôt de pratiquer une demi-heure de marche rapide trois fois par semaine. Il ne s’agit pas nécessairement de faire du sport. Ce peut-être une activité comme le jardinage. Dans  cette activité la composante plaisir a son importance.

Enfin il faut le redire,  l’AP est bénéfique pour le fonctionnement cérébral, quelques soient ses modalités :marcher courir, faire du vélo. Elle est bénéfique pour les personne âgées. L’Académie américaine de neurologie recommande de pratiquer 150 minutes d’activité physique par semaine après 65 ans. Elle est bénéfique chez les jeunes, elle améliore les performances scolaires. Or les enfants et adolescents sont de moins en moins actifs : la capacité physique des adolescents a régressé de près de 30% depuis 30 ans. Pourtant Mens sana in corpore sano  recommandait déjà Juvénal [4] aux adolescents !

1.Avant l’essor de la médecine moderne, la plupart des philosophes ont exprimé le souci de leur santé et leur aspiration à être médecin d’eux-mêmes. Ainsi Montaigne affirme dans Les Essais : « C’est une chose précieuse que la santé, et la seule chose qui mérite à la vérité qu’on y emploie … ». Descartes accorde une grande importance à son alimentation. Kant élabore toute une discipline du corps à viser préventive, il ne fait qu’un repas par jour, prend soin de ne respirer que par le nez pour ne pas exposer sa gorge.

2.Zhao M, Veeranki SP, Magnussen CG, Xi B. Recommended physical activity and all cause specific mortality in US adults: prospective cohort study. BMJ 2020;370. :m2031http://doi.org/10.1136/BMJ.M2031

3. Duclos M. Éditorial. Activité physique et santé : le paradoxe « progrès des connaissances » et « faible activité physique » en France. Bull Epidémiol Hebdo. 2020 ;(HS) : 2-4.

4. Poète satyrique de l’Antiquité romaine


Laurent Vercoustre

7 Commentaires

  1. Très bon billet, comme d’habitude en fait.
    Et toujours une dose de philosophie.
    Merci pour cette lecture.

  2. Euuuuh … J’ai cru naïvement que pour être en bonne santé il fallait se faire vacciner, l’exemple vient des Américains et de Biden :
    https://odysee.com/@vcuendet:1/Compilation-vaccin-Highwire-hb:9
    Bon , c’est H.S je sais mais le bras me sont tombés lorsque j’ai vu cette vidéo.
    Quant à l’exercice physique et au sport certains ( comme moi jadis) exagèrent sans doute mais, ils tiennent le coup :https://youtu.be/KLDaqZIvwi0, ou https://youtu.be/rqsPo7XLOtY
    Bon c’est juste un clin d’oeil.

  3. Excellent article à nouveau.

     » Actuellement l’OMS conseille 30 minutes de marches par jour. À condition d’avoir une marche rapide soit 4 à 5 km kilomètres par jour.  »
    Je pense que le mot « rapide » est passé inaperçu pour la plupart des lecteurs mais aussi pour la plupart des médecins qui recommandent à leurs patients de marcher.

    Certes, marcher un peu c’est toujours mieux que de rester devant sa télévision.
    Mais ce n’est hélas pas suffisant.

    Durant mes séances de marche rapide, je remarque que je suis quasiment le seul à adopter une allure rapide.
    La quasi totalité de ceux qui marchent, le font à allure de promenade. Or c’est très insuffisant dans un but d’amélioration de sa santé. Mais combien en ont conscience?

    Une étude récente rappelait que l’intensité, la vitesse de la marche était essentielle.
    Tu le rappelles dans ce billet.
    Mais combien vont le noter?
    Mais combien vont réellement l’intégrer dans leur pratique acceptant le fait qu’elle est insuffisante?

    Quasiment personne. Tel est mon sentiment.

    • Votre article est passionnant.
      Il faudrait organiser dans tous les quartiers dans toutes les communes des créneaux de « marche rapide »par groupe d’âge rebaptisés brain watching ou date walking ou un autre terme vendeur à la con pour que les gens se revitalisent de façon adaptée dans la joie et la bonne humeur, sans perdre de temps, en bas de chez eux, direct , les gens pourraient en profiter pour parler échanger et se rencontrer …
      Dans le milieu du « fitness » on trouve souvent soit du trop violent soit du trop mou avec des gens qui n’ont souvent qu’une heure dans la semaine pour essayer de compenser une semaine entière de sédentarité…
      En mode faire 45minutes de RER pour aller faire 30 minutes d’entraînement « HIIT » flash … dur dur…
      Le circuit cout dans l’AP a aussi du bon !

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