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Olivier Véran joue au Dr House

Dans l’épisode « De pièce en pièce » le Dr House passe le nez dans la salle d’attente de l’hôpital Princeton Plainboro, rebuté par l’affluence, il propose cinquante dollars à tous les patients qui sont prêts à partir sans se faire examiner (1). Ainsi, il vide la salle d’attente. Quelques instants après, House n’omet pas de réclamer ses cinquante dollars à un des patients qui revient aux urgences. House a horreur des consultations d’urgence qu’il juge sans intérêt. Il trouve dans ce subterfuge le moyen de s’en débarrasser. Le cynisme du Dr House n’est jamais gratuit. House à travers ses comportements scandaleux cherche à montrer l’absurdité d’une situation. Il dénonce ici le comportement des patients qui se rendent aux urgences sans véritable motif.

Olivier Véran a-t-il été inspiré par le Dr House, héros de la célèbre série américaine. Olivier Véran paye les hôpitaux pour renvoyer les patients. On pourrait croire que la proposition de Olivier Véran est une farce cynique à la manière de House. Pas du tout !  Le député de l’Isère a très sérieusement présenté devant les députés ébahis son fameux forfait de réorientation sous forme d’un amendement au quatrième jour d’examen du projet de loi de financement de la Sécu (PLFSS).

De 1996 à 2015 le nombre de passages aux urgences a doublé, avec un taux de progression de 3,5 % par an. La Sécurité sociale verse 25 euros pour chaque passage s’il n’est suivi d’aucune hospitalisation. S’y ajoute un forfait annuel de couverture des charges fixes, adapté au nombre moyen de passages et au statut de l’établissement. Un hôpital qui reçoit 10.000 à 12.500 patients aux urgences par an perçoit ainsi un forfait de 960.000 euros. Globalement, les urgences coûtent plus de 1,57 milliard d’euros par an à l’Assurance maladie. Le forfait d’orientation de « 20 à 60 euros » va-t-il s’ajouter à ces dépenses ?

Imposer aux services d’urgences la charge d’orienter les patients, c’est mettre en péril leur capacité se rendre disponibles aux vraies urgences. Les urgences débordent, quand le réflexe de bon sens est de diminuer le flux en amont, Monsieur Véran choisit d’écoper.

Ces patients qui ne justifient pas d’une prise en charge aux urgences, on les oriente vers qui ? Vers des soins primaires qui ne sont pas organisés pour les prendre en charge. Monsieur Véran a simplement oublié que c’était là le problème.

Le vice fondamental de notre système de soins est l’hospitalocentrisme. En donnant à l’hôpital le rôle d’orientation des patients Oliver Véran renforce cet hospitalocentrisme dont nous devons nous défaire. C’est à l’évidence à la médecine de ville, aux médecins généralistes qu’il faut confier le rôle de tri. C’est vers eux que doit aller l’effort de financement pour prendre en charge ces patients et non vers l’hôpital dont les déficits ne cessent de se creuser.

Replacer les soins primaires au centre du système de soins, c’est le prix du déblocage épistémologique de notre médecine.

Le Dr House pointait à sa manière l’absurde, Olivier Véran l’installe.

(1) Laurent Vercoustre GREG HOUSE ET MOI SIMPLE PRATICIEN HOSPITALIER, L’Harmattan 2014.

Laurent Vercoustre

16 Commentaires

  1. Il y a une quinzaine d’années, un groupe de médecins libéraux souhaitait participer au désengorgement des urgences de ma ville en gérant une sorte de dispensaire à la porte de mon hôpital .
    Le projet n’a pu aboutir auprès de la direction , car en diminuant le nombre de tranches d’urgence l’hopital perdait son bonus financier …..CQFD

  2. Les urgences ressenties qui embolisent les services les sont le plus souvent par des personnes qui n’ont aucune connaissance médicale. S’il y avait un minimum de formation obligatoire durant les années scolaires, de collège et de lycée (premiers secours, bonne utilisation des médicaments, prise de température, etc…). Il y en aurait moins. La proposition de Véran (stupide comme quelques précédentes), implique que la mission d’urgence imposée à un généraliste soit rémunérée comme l’hôpital ( C + 96 € !). Mais, si ce n’est pas une urgence à l’intérieur de l’hôpital comment le devient-elle dans la salle d’attente du libéral et comment accepter l’idée d’un médecin qui examine son patient, décide de ne pas le soigner ? Qui va perdre du temps au urgences pour réorienter le patient? Il va simplement se faire virer.

  3. Bonsoir Docteur. Comme toujours un très bel article empreint de logique et de bon sens. Cependant, n’étant pas un professionnel de santé mais plutôt un patient, je vais vous narrer une anecdote personnelle qui montrera peut-être aussi la position difficile des patients lors d’une urgence :
    Je n’ai connu que 2 urgences dans ma vie, la première pour une crise de colique néphrétique il y a très, très longtemps qui m’a valu deux heures d’attente aux urgences de l’hôpital de la ville où j’ habitais, mon M.T de l’époque m’ y ayant orienté suite à mon appel téléphonique. Deux heure à faire la danse des Sioux avant prise en charge…rien de grave sinon une « pelle de sable » bloqué dans une « conduite » qui s’est évacuée avec une perfusion et les médocs adéquats. Jamais plus depuis.
    La seconde fois, ce fut en raison d’un kyste sébacé situé près du bas de la colonne vertébrale, juste à coté d’une vertèbre et qui s’est une jour rapidement infectée alors que je séjournais dans une ville des Alpes de Hte Provence. Devenu douloureux et purulent, j’ai essayé d’avoir une rendez vous rapide avec les médecins du coin qui me renvoyaient aux calendes grecques.
    Je ne pouvais quitter la ville avant 48 heures et j’ai téléphoné à mon M.T bienveillant qui m’a dit qu’il me recevrai immédiatement à mon retour et qu’en attendant le mieux était, vu la nature et l’emplacement, d’ essayer de vider un peu l’abcès pour me soulager et d’aller le faire voir aux urgences de l’ hôpital du coin pour au moins me faire prescrire un antibiotique; mon épouse n’étant pas arrivée à vider l’abcès, je me présentais ( un Week-End de surcroit) aux urgences où entre le ‘tri » et l’attente du médecin – trois heures- j’ai vu défiler nombre de patients dont je ne connaissait pas la gravité de leur état sauf celle d’un gamin souffrant visiblement d’une fracture et auquel j’ai cédé ma place.
    Enfin, je fus reçu par un médecin auquel j’expliquais ma situation, s’en suivait un questionnaire sur mon état de santé général ( rien à dire jusque là) puis sur le ou les traitements que je suivais … horreur! Je ne prenais pas « mes statines » ni les autres médocs depuis des années et malgré le fait que je m’en portais très bien, j’ai eu droit à une leçon … à laquelle je répliquais poliment que demain ne sera pas la veille du jour où je les prendrai. Dans sa grande bonté, il a bien voulu regarder objet de ma venue en enlevant le pansement mis en place par mon épouse mais bien que l’abcès suintait fortement,( je l’ai vu au pansement) et était prêt à éclater, il m’a dit qu’il ne le toucherait pas mais qu’il me fallait consulter e chirurgien vu l’endroit . Je ne lui en demandai pas tant, sachant qu’un abcès infecté ne s’opérait pas comme ça, mais il refusais de le toucher et m’a remis le pansement que j’avais – sans même le changer – et de me prescrire un médicament. J’ai passé un Week-end aussi douloureux qu’ inquiet aux bons soins de madame, et le lundi matin, 150 kms plus loin, mon M.T habituel a incisé un peu la protubérance pour tenter de la vider…et elle lui a arrosé sa chemise (lol), puis il l’a vidé au maximum et m’a adressé rapidement à un dermatologue disponible après m’avoir prescrit un antibio, lequel m’en a prescrit un autre deux jours après en précisant de les prendre pendant 10 js, de veiller à ce que l’abcès ne s’assèche pas trop et pris rendez vous à la clinique où le chirurgien m’a « sorti » un kyste plus gros qu’un « berlingot » en précisant qu’il était très mal placé et que le médecin des urgences aurait dû, s’il avait peur de vider la plaie, me prescrire un un médoc adéquat.
    Il reste de ma mésaventure une cicatrice cratère juste à côté d’une vertèbre dans lequel on peu placer un pouce ( je suis très musclé) .
    je pose donc la question : que doit faire un patient qui ne dispose pas d’un médecin disponible, ni même d’une maison médicale à proximité – et il en existe des déserts médicaux – en cas d’un évènement pathologique qui deveint urgent ?
    Je précise qu’ une troisième urgence , tendon d’Achille » arraché suite à une chute, m’a valu presque la même situation ubuesque en début d’année – encore la veille d’un week-end- aux urgences d’un H. privé que je connaissais pourtant bien et où l’opération nécessaire a été repoussée au lundi …fin d’A.M après encore deux heures d’attente sans que quelqu’un se préoccupe de ce que je ne pouvais me déplacer qu’en m’appuyant sur un bâton de marche . Triste médecine et heureusement que j’ai un M.T bienveillant qui sait que lorsque je le consulte pour moi-même ou l’un des miens c’est que vraiment je ne peux faire autrement.

      • -Il y a donc des faux malades. Qu’en faire ?
        -Pour les vrais malades des urgences qui pourraient être soignés en ville. Est ce que les médecins liberaux sont en mesure de s’en occuper ? Le souhaitent ils compte tenu de l’importance de l’activité non urgente ?

  4. Bonjour Laurent,
    Quand j’étais interne dans les années 80, le maire de la ville faisait pression sur le directeur de l’hôpital en demandant des explications quand un patient avait trop attendu ou avait reçu pour conseil d’aller voir son médecin. Ensuite le directeur nous demandait des comptes et nous tapait sur les doigts… Et il fallait ASSURER LA GRATUITE des SOINS, alors que le généraliste faisait payer. Donc on a ouvert le robinet et démobilisé les généralistes.
    Ce sont les élus locaux qui ont poussé à l’accès libre aux « urgences ». Maintenant ils en paient le prix avec nous.

  5. Comment décider qu’un patient peut être renvoyer vers le système libéral sans l’avoir examiné ? si il est examiné quel intérêt alors de le renvoyer vers un autre médecin ? Si il ne l’est pas, quel élément retenir pour le renvoyer et comment assumer une telle responsabilité ? L’idée de notre confrère est des plus étonnantes mais il me semble coutumier de ce genre de bizarrerie
    La seule solution est de favoriser le rôle de premier recours du médecin généraliste libéral en lui offrant des conditions acceptables d’exercice au sein d’une société où il pourrait retrouver une place qui ne soit pas celle d’un prestataire de service au rabais

  6. Voilà pourquoi je suis un inconditionnel des consultations sans RDV. Les horaires de réception doivent être limités. Cela permet une régulation très efficace. Les faux malades repartent, surtout lorsqu’il est midi ou 19h. Les vrais malades restent.

  7. L’histoire, racontée comme ça par Laurent Vercoustre, est comique, et triste à la fois, car savoir que des décideurs de politique de santé peuvent pondre des âneries pareilles, ça rassure vraiment. Et on comprend pourquoi le système de santé prend l’eau.

  8. Encore une fois, le Dr Véran applique la conjugaison de l’absurde à sa frénésie de réformer la Médecine qui n’a vraiment pas besoin de lui pour évoluer. Il est bien dommage que LREM ait confié son secteur « réflexion et décision Santé » à un praticien hospitalier aussi éloigné de la médecine libérale; payer un service pour qu’il renvoie un malade pas toujours examiné, en tout cas pas souvent à temps, vers un soignant libéral revient à rémunérer une administration publique pour qu’elle ne fasse pas son travail et le délègue à plus compétent ou plus disponible qu’elle….Ce n’est plus de l’absurde, c’est de l’omission professionnelle organisée . Qu’on paye plus un Service d’Urgences quand le malade qui y arrive est examiné, soigné, pris en charge comme il faut dans l’heure de son arrivée: c’est mieux, et c’est ce que l’on appelle la « rémunération au mérite », notion qui fait hurler toute la fonction publique. Elle améliorerait pourtant son fonctionnement et son efficacité. C’est en amont qu’il faut diminuer le flux des malades entrant aux Urgences par un système de garde libérale bien organisé, responsable, rémunéré, aidé pour sa sécurité , par une meilleure pédagogie de la population afin de lui apprendre que la bobologie, la petite pathologie se soigne d’abord chez soi, puis par appel au généraliste référent ou de garde. Le niveau des admissions aux Services d’Urgence diminuera, certes au grand dam de leurs responsables toujours plus gourmands en postes, équipements et importance hospitalière, mais au grand bénéfice de la Sécurité Sociale et des finances publiques.

  9. tellement surprenant comme proposition, payer 60 euros l hopital pour renvoyer le patient en ville, que l on peut se demander si nos politiques habitent sur terre, mangent boivent et fument la meme chose que nous..
    son herbe doit avoir été importée de mars pour lui donner de telles hallucinations

  10. DS MON VILLAGE, LES JOURS DE FOIRE, LE VIEUX MEDECIN POINTAIT LE NEZ ET DEVANT L’AFFLUENCE, ANNONÇAIT: » LES VRAIS MALADES RESTENT, LES AUTRES VOUS POUVEZ PARTIR! »
    QD IL VENAIT CHERCHER LE SUIVANT, LA SALLE D’ATTENTE S’ETAIT SPONTANEMENT BIEN DELESTÉE….

  11. cette proposition est folle, je suis d’accord mais je pense surtout qu’il faut éduquer les patients qui ont pris l’habitude de consommer du soin, comme on consomme autre chose,qu’il faut créer des réseaux de soin qui prennent en charge vite le patient (parce que souvent on va à l’hôpital parce que tout est sur place), et qu’il faut rappeler aux gens que la santé a un coût pour tout le monde et que si on veut que le système persiste, on doit tous y réfléchir et nous professionnels aussi, revenir à la clinique.

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